17/04/2014

canadian artists


Meet the 25 artists who made the long list for the Sobey Art Award.

Voir certaines oeuvres des jeunes artistes de Winnipeg, cela peut-il nous aider à mieux savoir l'histoire de cette ville ? Cette réflexion suppose un questionnement des conditions dans lesquelles une source visuelle - ici la peinture ou l'installation d'un projet d'art - peut être utilisée par un récit historique, philosophique, architectural, littéraire. Je tente donc de mesurer la part d'imaginaire que les artistes de Winnipeg mobilisent dans leur travail, afin de mieux comprendre la valeur des images dans le contexte géographique et culturel de la ville. Il s'agit de comprendre ce que l'art prend de la ville, et à la fois, ce que la ville donne à l'art. 


15/04/2014

patchwork in progress


Palm Sunday. Dans un quartier comme Osborne à Winnipeg, les catholiques vont à l’église. Tu me dis que l’église italienne est bondée de monde ce dimanche avant Pâques. Des souvenirs me reviennent, c’est étrange tout de même qu’au tournant d’une parole des bribes de mon enfance font irruption ici et maintenant. Nous sommes dans la rue, tu parles, j’écoute, le vent se met à souffler, ta voix s’effrite dans le bruit que font les voitures qui freinent au feu. Je suis là devant toi, nous marchons, lentement, puis avec des pas pressés, je te regarde, t’écoute, je suis là devant toi et à la fois, je suis loin, là où la voix de ma grand-mère devient limpide, vivace. 

                  lilas de La Rochelle, 10 avril 2014


Depuis quelques années déjà, j’ai appris que les analogies entre l’Europe et le Canada ne font que me remplir d'une étrange sensation de nostalgie. La partie rationnelle de moi « sait » très bien que j’ai perdu quelque chose et j’ai gagné autre chose. C’est la règle du jeu, et de la vie, implicitement. Sauf que cette pensée raisonnée ne parvient pas à dompter le déferlement des émotions.



À la fin du film Metropolis de Fritz Lang, le maître de la ville et le patron des ouvriers se serrent la main en signe de réconciliation entre bourgeois et prolétariat, sous l’aura de cette phrase désormais célèbre :‘The heart must be the mediator between brain and hands’. Les dernières notes de l’orchestre symphonique de Winnipeg qui joue pour accompagner le film (dans un concert à Centennial Hall), ne sont pas moins festives, majestueuses. Disons qu'ici, l'émotion, le côté coeur parvient à faire alliance avec la raison. 

10/04/2014

10 avril

Ce dernier temps, tu réalises que l’écriture est comme le sport : plus on la pratique, plus elle devient  fluide, libre d’un certain effort.

Il t’arrive de te dire qu’un jour, tu écriras une sorte d’abécédaire où chaque lettre correspondrait à un mot qui compte pour toi au sujet de Winnipeg… Sans que ce soit par ordre alphabétique, tu y mettras : avenir, bienveillance, hiver, lenteur, hostilité, solitude, isolement, renouvèlement, épreuve, détresse, art, platitude… 

L’illusion n’existe plus, ou presque. Tu apprends à voir « la réalité ».

Tu as fini de mettre à jour l’héritage bourgeois que tu as dû déposer au seuil de la Prairie, et que tu as cultivé avant d’arriver ici.

 *

Un dimanche après Sunday In Concert à la CBC radio, tu entends cette histoire :

A teacher from the Prairies asked the kids to write a letter to their future self. This teacher said he would mail this letter twenty years later. And here is this grown man who finds this letter of him as a highschool boy. He wrote about the crush he had on a girl from his class, her name was Erin. 
He goes inside to show the letter to his wife – Erin.

Peut-être sa grande fierté, ou même la joie de son existence : que son rêve soit devenu vrai.



06/04/2014

imaginaire(s)


Jamais tu n’as imaginé que tu vivrais un jour à Winnipeg. Toute jeune, tu te faisais mille projets, à dix-sept ans, à dix-huit ans, quand on commence à se demander comment ce sera plus tard, quelles études on fera, quel homme on rencontrera, si l’on aura des enfants, si l’on vivra dans une ville intéressante ou plate.. À seize ans, tu as imaginé que tu serais comédienne. Tu as commencé à jouer dans la troupe du lycée, t’es brouillée avec ton père qui ne se remettait pas de ton audace d’avoir contredit le projet de vie qu’il avait prévu pour toi : que tu ailles à l’école de droit. À vingt ans, sous le coup de la colère, tu as annoncé une première fois que tu allais te marier, une seconde fois, à vingt-quatre ans. Il n’y a pas si longtemps de là. Tu as toujours voulu faire du théâtre, devenir actrice comme Ada, enfin pas tout de même comme Ada, mais te glisser dans la peau de personnages singuliers, dans des textes singuliers, de préférence en français, parfois des classique, n’oublie pas, et un peu de Bernard Shaw aussi. Tel est le rêve. Il a perdu de son éclat. Aurais-tu envie de le ranimer peut-être un jour ? S’il a de l’importance à ce moment-là, car à l’heure, il n’en a aucune.


Hier, assise devant l’écran de l’ordinateur, une tasse de café à la main, tu t’es mise à inventer une histoire autour de ce vidéoclip qu’une amie t’avait envoyé par mail ; un vidéoclip intitulé ‘The Grounds for Violence’, au sujet de l’hiver redoutable à Winnipeg cette année, bien entendu. Collage réussi d’images sur la chanson inoubliable de Simon and Garfunkel, ‘The Sound of Silence’, dans lequel ‘Bartley Kives captures the sullen attitude of Winnipeggers toward the neverending winter with this take on Simon and Garfunkel’s The Sound of Silence’. Ce n’est pas la première fois que tu penses à la créativité des gens d’ici : ils savent faire de la bonne musique, du film, du théâtre de qualité, pour ne pas évoquer les artistes visuels… peintres, photographes, sculpteurs, performeurs qui se dépassent les uns les autres en sujets originaux et imaginaire décapant. Qui ne remarque que tous ces gens dans les domaines des arts œuvrent pour atteindre quelque chose d’autre au-delà de l’âpreté de l’hiver ? Ce serait l’urgence du désir de contrecarrer l’hostilité environnante. 

Dans tous les cas, vous n’aurez pas tort de penser qu’à Winnipeg, vous croisez souvent des hommes et des femmes qui ont envie de réveiller la création, d’ouvrir la mémoire vécue et culturelle, comme s'ils tentaient inlassablement de poser un rempart contre la crise existentielle, la laideur, la platitude... Après tout, « l’exception » winnipegoise tenue par le négatif (froid, isolement, hostilités de toutes sortes) peut se retrouver pas mal de fois retournée.