31/03/2014

splendeur de la vie/nuit



J’aime la nuit, la vie sous-marine, furtive, où les flashes et les rythmes éveillent des souvenirs au hasard, presque des rêves, un corps de personne s’ouvre à rien, et je ne suis bien que débarrassée de ma personne. Est-ce que ma tête était saturée par le énième email, par les choses que je ne suis pas parvenue à boucler depuis hier, par le vent qui souffle en rafales dehors ? Ou bien, est-ce un songe qui m’échappe encore? Toujours est-il qu’une nuit, j’ai repêché dans les eaux troubles de mes plongées aléatoires, le mot « rencontre » qui m’a noué l’estomac au point de me faire sauter du lit aux aurores.

La Splendeur de la vie, c’est le titre en français du dernier roman de Michael Kumpfmüller, traduit par Bernard Kreiss ; une fiction à partir de l’histoire d’amour de Kafka et de Dora, « le dernier amour de Kafka », dit la jaquette. Beau titre, je le trouve poétique, il m’évoque la couleur jaune, la lumière. Vous direz peut-être que cette lumière se voile quelque peu quand vous lisez l’exergue, un extrait du Journal de Kafka de 1921 :  « Il est parfaitement concevable que la splendeur de la vie s’offre à chacun de nous et toujours dans sa plénitude, mais de manière voilée, enfouie, invisible, très distante. Pourtant elle est là, ni hostile, ni malveillante, ni sourde. Qu’on l’invoque seulement en prononçant le mot juste, le nom juste et elle viendra. Telle est l’essence de la magie, qui ne crée pas mais invoque »

Serait-il ainsi d’une splendeur possible de la ville de Winnipeg ? Serait-elle là, ni hostile, ni malveillante, ni sourde ? Simplement. 

15/03/2014

varia 2

Tu dis avoir voulu me montrer de l’amitié quand tu m’as proposé de te rejoindre à la soirée d’anniversaire, où tu comptais au fond me présenter ta nouvelle petite amie, une fille arrivée tout juste de Russie. Mesquinerie cocasse ou simplement vengeance inconsciente ?


Encore aujourd’hui, je me souviens de tes mots : « Laisse couler les choses ». Ta voix est claire dans le silence du petit matin. Tu voulais me parler de patience, du besoin de lenteur, de ne pas foncer aveuglement comme je le faisais autrefois. Il me fallait rester calme, observer, contempler, un peu comme le narrateur de Proust, qui se retirait dans un coin de la pièce et devenait souvent voyeur. Pourtant, ce dernier temps, quand je réalise  petit à petit que la Prairie est le lieu privilégié de la lenteur, et que cette lenteur prend la forme de l’empêchement (le froid qui vous empêche de sortir, les grandes distances qui vous empêchent de marcher à pied), je ne peux retenir un sentiment de tristesse. Cette tristesse recouvre certes la frustration que je ressens de me voir limiter dans mes choix de sortir, marcher, bouger… Deux ans déjà depuis que le paradoxe de la Prairie ne cesse de m’intriguer : d’une part, l’immensité délicieuse du ciel, son ouverture bienveillante, et d’autre part, la terre qui vous limite, qui vous confine, hostile.



Feuilletant un album d’art dans la boutique du musée, j’ai lu que l’artiste Dominique Rey a consacré une partie de sa recherche récente à la question de la lenteur. The art of slowness, disait le texte. L’artiste a mis ensemble un projet sur l’art de vieillir dans la congrégation des Sœurs grises, ces braves femmes qui ont existé au début du vingtième siècle au Manitoba, et qui existent encore aujourd’hui en Amérique du Sud. Il s’agissait ainsi de faire penser aux bénéfices de la lenteur : vie de contemplation, gestes attentionnés, artisanat, jardinage, aide aux enfants… Dans ce cas, être lent(e) est synonyme de vivre pleinement, la lenteur étant vécue comme liberté et épanouissement. 



07/03/2014

glamour et ballet


Je n’aurais pas appris le mot anglais fevel s’il ne m’avait pas parlé de cette soirée Fevel Glamour, que la revue Border Crossings et la communauté des artistes à Winnipeg organisent bientôt. Fevel Glamour, donc -- glamour hivernal, fantaisies polaires, du blanc et de l’argent, des robes en soie couvertes de fourrures, où on dirait que l’imaginaire de la nature sauvage et la beauté esthétique se répondent en écho, ou du moins, donnent cette impression de mystère et de créativité. Winnipeg m’apparaît soudain comme une ville surprenante, qui de temps à autre, saisit mon attention pour me faire découvrir un côté rare, presque invisible, que je ne croise pas dans les rues de downtown. Il s’agit de ce fantasme du luxe et du glamour - la singularité qui se partage lors d’une soirée parmi des artistes.




Les Grands Ballets de Montréal ont récemment présenté le spectacle Rodin/Claudel à Winnipeg. Si la chorégraphie moderne et la grâce des danseurs ont brillamment réussi à restituer la passion dévorante des deux sculpteurs, le ballet ne s’aventure pas à explorer le dénouement tragique de cette histoire d’amour. À la fin du spectacle, on affiche néanmoins ces mots qui nous rappellent qu’après l’amour et la création à deux d'Auguste Rodin et de Camille Claudel, il y a eu pour Camille, l’isolement terrible et la destruction: Camille Claudel never sculpted again. For the next three decades, she lived in different institutions. Even if she was declared mentally stable, her family did not sign for her release. De quoi penser que eros et thanatos sont irrévocablement inséparables. 


02/03/2014

varia


Il y a aussi la mort qui confirme la passion d'une vie : Alain Resnais s'éteint le 1 mars, un jour après la cérémonie des Césars, un jour avant les Oscars. Même dans la mort, le grand homme de cinéma est entouré de son art. 


Tournant la page du calendrier, je réalise que son anniversaire tombe cette année le mercredi des cendres. Ce jour-là, saura-t-il laisser un peu de place à la contemplation ?