13/02/2011

la reine alice

« Il n’y a pas de fin. Il n’y a pas de début. Il n’y a que la passion infinie de la vie ». Ce sont ces mots de Fellini que choisit Lydia Flem en exergue de son roman, La Reine Alice (Seuil 2011) qui vient d’être présenté cette semaine à La Grande librairie ; mots qui portent bien le message de ce conte moderne tissé entre Alice de l’autre côté du miroir et Le Petit Prince autour d’un personnage principal atteint de cancer qui ne lâche pas l'espoir de vivre. Psychanalyste et romancière qui vit entre la France et la Belgique, Lydia Flem croit au pouvoir de la littérature et donne voix à la réalité insoutenable de la maladie en composant un conte de fée captivant. Sous sa plume adroite s’anime avec panache un univers vivant, en apparence enfantin, féerique, mais plein de symboles, de contenu. Pourquoi le conte et pas le témoignage sur un sujet grave, la maladie ? Elle nous rappelle ici que toute histoire de conte de fée commence par une adversité : il y a des épreuves à passer, des montres, des ogres et le petit Poucet qu’on abandonne dans la forêt ; et il y a après les aventures drôles et effrayantes d’Alice, sa descente dans des contrées de lumière et d’ombre, des nains et des géants qui font peur et attisent la fascination. Il y a donc des parallèles entre la réalité hostile de la maladie et la fantaisie de ces contes.  

Par son récit où règne Alice, l’héroïne de Lewis Caroll, l’écrivaine donne à penser la traversée du miroir de la maladie. Grâce aux épreuves qu’elle transfigure en conte de fée, ses personnages sont obligés d’aller à la quintessence des choses et des soucis ; ils se trouvent des forces qu’ils ne se connaissaient, car pour gérer le danger et la monstruosité, il n’y a pas de mode d’emploi, ne serait-ce que l’humour, l’imagination, la rêverie, la capacité d’inventer des possibilités de « traverser le néant ». C’est le message de Lydia Fern dont on devine l’écoute analytique. Fern la  romancière amoureuse de littérature nous fait sourire par son personnage facétieux du docteur qui contre les insomnies prescrit une page de Proust chaque soir ; « Proust sur ordonnance ».

Chemin faisant, on croise dans ce roman Shéhérazade de Mille et une nuits, symbole de toutes les femmes qui par les mots repoussent la mort, espère retarder le danger, la violence ou la menace. À Shéhérazade, chaque matin, le sultan fait grâce d’un jour de plus, séduit par les contes qu’elle raconte. On en vient ainsi à penser à l’espoir de tout écrivain, de tout artiste qui par son œuvre entend reculer le temps, éloigner la mort. Car après tout, les mots, les images et l’imagination ont de quoi nous sensibiliser à ouvrir les yeux sur le monde. Il y a des belles choses à saisir, dit Lydia Fern par la voix d’Alice, des choses « à cueillir ici et maintenant parce qu’elles sont mortelles ». Et c’est peut-être cette éphémérité qui donne leur force ; une sorte de bénédiction.


Il n’y a donc pas de fin. Il n’y a pas de début non plus à cette histoire que j’aimerais lire. Il y a juste une heure d’échange à la Grande librairie, assez pour toucher des points de sensibilité, des germes de pensée pour accueillir un peu la réalité en conte de fée.

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