23/11/2011

danser sa vie

En 1893, Mallarmé écrit dans « Considérations sur l’art du ballet et la Loïe Fuller » :

« Quand, au lever du rideau, dans une salle de gala ou tout local, apparaît ainsi qu’un flocon, d’où soufflé ? miraculeux, la Danseuse, le plancher évité par bonds ou que marquent les pointes, immédiatement, acquiert une virginité de site étranger, à tout au-delà, pas songé ; et que tel indiquera, bâtira, fleurira la d’abord isolante Figure. Le décor gît, futur, dans l’orchestre, latent trésor des imaginations ; pour en sortir, par éclats, selon la vue que dispense la représentante çà et là de l’idée à la rampe. Pas plus ! or cette transition de sonorités aux tissus (qu’y a-t-il, mieux à un voile ressemblant, que la Musique !) est, visiblement, ce qu’accomplit la Loïe Fuller, par instinct, avec ses crescendos étales, ses retraits de jupe ou d’elle, instituant le séjour. L’enchanteresse crée l’ambiance, la tire ainsi de soi et l’y rentre, succinctement ; l’exprime par un silence palpité de crêpes de Chine.


Selon ce sortilège et aussitôt va de la scène disparaître, comme dans ce cas une imbécillité, la plantation traditionnelle de stables ou opaques décors si en opposition avec la mobilité limpide chorégraphique. Châssis peints ou carton, toute cette intrusion, maintenant, au rancart; voici rendue au Ballet l’authentique atmosphère, ou rien, une bouffée sitôt éparse que sue, le temps d’une évocation d’endroit. La scène libre, au gré de la fiction, exhalée du jet d’un voile avec attitudes et le geste, devient le très pur résultat ». (p. 27-28)
Ces mots de Mallarmé, me semble-t-il, disent avec justesse le rythme du corps en mouvement et l'art de la performance, qui sont les trois axes de l’exposition « Danser sa vie », qui vient de s’ouvrir au Centre Pompidou… « une exposition sans précédent consacrée aux liens entre arts visuels et la danse des années 1900 jusqu’à aujourd’hui ».


dense serpentine, Loïe Fuller, enregistrée en 1896




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