08/01/2012

souvenir

Anniversaires, commémorations, ces images de la une des journaux en France ces jours-ci – 50 ans de la mort d’Albert Camus, 16e anniversaire de la disparition de François Mitterand... – me font soudain me demander si dans ma vie, il y a des événements que je pourrais qualifier de décisifs ; certains moments se sont rétrospectivement chargés d’un sens si lourd qu’ils émergent de mon passé avec l’éclat des grands événements. Assez récemment, je me rappelle mon arrivée à Winnipeg comme si elle avait marqué un tournant absolument incompréhensible dans mon histoire.

J’avais laissé ma valise à l’accueil, et me suis pressée vers l’ascenseur. « Winnipeg », me dis-je. Sous le ciel bleu, l’horizon indéfini, des trous d’ombre, des érables couleur d’automne ; au loin, des gratte-ciels et une avenue sans fin ; une rumeur montait de la ville avec une odeur de chaleur humide, et des voitures passaient et s’arrêtaient au carrefour. Winnipeg. J’étais là, seule, les mains vides, séparée de mon passé et de tout ce que je croyais aimer, et je regardais la grande cité inconnue où j’allais devoir tailler au jour le jour ma vie. Ici, je n’existais pour personne ; quelque part, sous un de ces toits, j’aurais à faire huit heures de cours chaque semaine. Rien d’autre n’était prévu pour moi, sauf l’appartement que j’avais loué à l’avance ; mes habitudes, mes occupations, mes plaisirs, c’était à moi de les inventer. Je pris l’ascenseur qui montait lentement comme s’il s’arrêtait à chaque étage ; comme si moi, je m’arrêtais à chaque étage jusqu’au 13e, bouleversée par ces avenues, ces maisons, ces trottoirs qui peu à peu allaient se révéler à moi et me révéler à moi-même.  

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