En cherchant une gomme dans une vieille
boîte, j’ai mis la main sur une photo de Freud autour de 1937, assis à son
bureau. Sur le dos de la photo, quelqu’un avait écrit avec une plume très
fine : « le psychanalyste autrichien Sigmund Freud (1856-1939) dans son
bureau à Vienne, photo d’Eugénie de Grèce, fille de Marie Bonaparte ». Je
compare cette photo et celle de la couverture du livre Notre relation à la mort, que j’ai dans mes mains : un portrait de
Freud à l’âge de la maturité, pensif et sérieux. Dirai-je que ce visage sur une
photo est la porte d’entrée dans un univers d’impressions de lecture, d’idées
ou d’interrogations ? Peut-être ; ce qui est sûr, c’est qu’en
regardant les deux photos, j’ai été saisie par une question que je me suis
posée depuis un certain temps : de quelle
manière l’analyste peut écrire sans plagier l’inconscient de ses
patients ? À le dire simplement, l’œuvre de Freud (+ce que j’ai lu sur
sa vie, ses notes cliniques et des extraits de sa correspondance), a été
certainement le déclencheur des questions que je me posais sur la dualité de
l’écrivain et de l’analyste. Pourtant, il n’est pas facile d’envisager par une
pensée spéculative comment écrit et travaille un analyste, quels rapports avec ses patients, ou encore, comment il passe de la pratique analytique à l'écriture théorique ou de fiction. Cela
reste une énigme, mais cette énigme, nous nous devons de la poser puisqu’elle
nous est transmise à titre de destinataires-lecteurs. C’est peut-être cette
possibilité d’articuler des hypothèses et de ne jamais vraiment savoir si elles
seront un jour résolues, qui me pousse à revenir aux textes de Freud. Myriade de questions et de possibles.
Énigme, souvenir, possible. Ce
sont des mots qui me saisissent aussi lorsque j'écoute Marcel Plantevignes parler
de Marcel Proust dans une vidéo de l’INA de 1966. Ami proche, jeune homme
intéressant, Plantevignes a 19 ans quand il connaît Proust pour la première fois dans le hall du
Grand Hôtel à Cabourg, en août 1908. Il devient vite le « lecteur préféré » de
l’écrivain de la Recherche, qui tard
dans la nuit (le jour pour Proust) lui lit des passages fraîchement écrits
ou remaniés. En 1966, Marcel Plantevignes, désormais vieillissant, publie un très beau livre de Souvenirs et causeries avec Marcel Proust (Paris, Nizet), où en
plus de 600 pages, il livre avec simplicité et une certaine émotion des souvenirs et des visites piquantes chez Proust, à Cabourg et sur le Boulevard
Haussmann. Entre autres, Plantevignes raconte comment il a contribué à inventer
le titre fameux … À l’ombre des jeunes
filles en fleurs. Énigmes qui se déplient comme de petits papiers japonais
sur la surface de l’eau, et qui nous révèlent un peu plus l’homme Marcel Proust. Pourtant, l’énigme du rare écrivain semble rester intacte, comme si la Recherche nous appelait à la lire, à la relire. Et parfois peut-être, à l’écouter en livre audio, tel un
conte que quelqu'un d'autre nous lirait avant d'aller dormir.
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