Stories We Tell est le dernier documentaire autobiographique de
Sarah Polley, qui passe en ce moment à Winnipeg. C’est l’histoire de la vie d'une mère disparue, Diane Polley, que la fille tente de saisir à travers des
interviews avec les membres de la famille : mari, frères et sœurs et
quelques amis proches. Mais cette histoire n’est pas facile à raconter, les
souvenirs échappent aux mots, et très vite on s’aperçoit que la femme dont on parle est complexe, multiple et mystérieuse. Son mystère est nourri par ce qui se
détache comme le secret de sa vie : Sarah, la dernière fille, est née d’une aventure
extraconjugale et l’homme qu’elle appelle père depuis toujours, n’est pas son père biologique.
Cet homme, qui est aussi le mari de Diane, apprendra la vérité en même temps
que Sarah : en 2007. Diane n’est plus là, morte d’un cancer, Sarah a alors
27 ans.
Le mystère se dissipe donc. La tension
dramatique s’allège, et on est presque surpris de constater qu’il n’y a pas de
ressentiment vis-à-vis de ce non-dit essentiel. S'en dégagent pourtant une onde de
mélancolie, un flottement et le silence qui fait monter des larmes dans les yeux d’un fils,
d’une fille qui réalise peut-être davantage le leurre dans lequel ils ont vécu
une partie de leur existence. À tour de rôle, les personnes interviewées
avouent ce qu’elles savaient, avancent des hypothèses : comment aurait été notre vie si on avait
su ?, s’interrogent, réfléchissent, imaginent a posteori ce qu’avait été la vie de cette femme en
apparence extrovertie, ouverte, mais qui au fond, était autre.
Bref, Stories
We Tell pourrait être un documentaire où vérifier que l’identification
projective fonctionne. Comment ne pas penser à sa propre histoire, à l’histoire
de sa mère, de sa famille, en regardant ? Comment ne pas penser qu’il y a
une part de mystère là où on croit être dans la lumière ? Finalement, je crois avoir aimé Stories We Tell parce qu’il donne
l’impression presque palpable qu’il y a quelque chose de commun entre les
forces et les faiblesses de l’être humain, et qu’on peut en faire quelque chose.
Le cinéma, comme la littérature, devient alors le lieu d’accueil des histoires
les plus inattendues, cet espace de partage qui nous permet de nous sentir
moins seuls, et peut-être, de mettre en perspective notre existence.
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