31/12/2010

julian schnabel à AGO

Jusqu’au 2 janvier, the Art Gallery of Ontario (AGO) expose une cinquantaine d’œuvres de l’artiste américain Julian Schnabel dans un projet intitulé Art et film. Comment le cinéma inspire-t-il le travail du peintre ? C’est autour de cette question que se compose l’exposition qui réunit des tableaux de dimensions imposantes de l'artiste, des projections vidéo, des affiches de film et des installations qui ont servi sur le plateau de tournage.

À la sortie de l’ascenseur au cinquième étage d'AGO, on traverse le seuil d’un espace qui nous aspire par sa grandeur : le plafond haut, une grande pièce ouverte et lumineuse où le regard se disperse sur des tableaux immenses. Pour ceux qui le souhaitent, à côté de chaque toile est inscrit un numéro de téléphone qu’on peut appeler pour avoir les explications de l’artiste sur le travail de création. Pour les autres, plus libres et rêveurs, simplement regarder, marcher, s’arrêter et revenir parfois un peu, pourraient suffire pour faire naître une idée, une émotion ou une pensée.

Devant la première toile, j’ai fait l’expérience de l’appel téléphonique et ce fut assez unique d’entendre la voix claire et précise de l’auteur révéler des détails sur la réalisation de l'oeuvre. Cette toile donc, représentant un écrivain, fut réalisée pour Roman Polanski, ami de Schnabel, pour servir au film The Ghost Writer. Par la suite, l'artiste fit une deuxième version de ce tableau en appliquant une tache de peinture blanche au milieu. Cela pour tenter de donner une autre dimension à la représentation, pour mettre du relief et du mouvement. Inscrire aussi deux temporalités : le moment de la création et le retouche.

Dans toutes les toiles exposées, Schnabel privilégie la technique du travail en deux temps : réaliser un tableau et après lui appliquer une ligne, barrer un visage, jeter une tache, laver la couleur pour créer l’image de l’eau, de l’océan. C’est à travers ce montage inédit que l’artiste pense les bifurcations entre peinture et films. Rappelons que Schnabel est le directeur du Scaphandre et le Papillon (2006), Avant la nuit (2000), Basquiat (1996), et en 2010, d’une production sur une histoire israélo-palestinienne, Miral, qui fut présentée à la Mostra de Venise en septembre dernier. La superposition de plateaux, comme dirait Deleuze, crée bel et bien une impression d’image-mouvement. Par le rapprochement entre peinture et film, l’espace est « narrativisé » ; il ouvre sur un récit, sur la possibilité d’un conte à raconter, d’un monde à venir ou à construire par la pensée. Et c’est frappant, car dans cette « dynamique de l’entre-deux » pour reprendre Daniel Sibony, où on pendule entre statique et mouvant, entre mobile et immobile, surgit l’impression saillante qu’il existe plusieurs mo(n)des de l’art : image, narration, pellicule ou mur de sens…

"Surfer"

Et on le sait, dans toute œuvre réussie – ce qui est le cas de Schnabel, à mon avis – la référentialité est transgressée ; par un miraculeux déplacement se révèle alors l’inépuisable myriade de possibles non encore donnés ou vus. De fait, les toiles géantes de Julian Schnabel nous invitent à une aventure déroutante de découverte transversale de relations inattendues entre réalité et imaginaire, entre réel, image et mouvement. Par des mises en images des idées déjà travaillées dans des films ou par des portraits d’amis comme Andy Warhol ou Marlon Brando ou Bosquiat, Schnabel inscrit dans la durée des rencontres et des événements. Il rend aussi hommage à des artistes-amis qui comptent pour lui et tente de comprendre encore et autrement quelque chose de passionnant dans la rencontre féconde du film et de la peinture.

C'est à cette sortie que nous convie AGO pour faire le passage vers 2011...


       "Andy Warhol"

"Marlon Brando"

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