C’est comme si je
me disais que la tristesse retient la haine et que c’est ma capacité de la
nommer et de l’élucider – de dire et d’éclaircir mes ambivalences amour-haine,
mes humeurs dépressives latentes – qui fait que le « déplacement »
des affects dans le langage peut être un contre-dépresseur. Je dis ainsi que ce
qui me déborde – affect et sens – peut devenir discours de la douleur dite et soulagée
par cette nomination même. Ce serait aussi faire le pari que mes
« chutes » sont dépassables, et que « le voyage au bout de la
nuit » qu’est l’écriture parvient à traduire quelque chose de cette
tristesse mélancolique. Traverser la dépression serait alors la traduire : la
traduction comme expérience de traversée ; mais traversée à fond où se
rencontrent affect et sens dans le corps des mots et dans l’écriture comme acte
imaginaire au dire de Proust : « le seul livre vrai, un grand écrivain n’a
pas à l’inventer, puisqu’il existe déjà en chacun de nous, mais à le traduire.
Le devoir et la tâche d’un écrivain sont ceux d’un traducteur » (TR, RTP
IV., 460). L’imagination, voie vers la création, si et
seulement si elle parvient à nommer mes troubles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire