Les jours passent et je me rends compte
que L’enfant qui voulait dormir, le dernier
livre de Aharon Appelfeld, continue de me parler silencieusement, comme si la
voix du narrateur entre récits de rêve et vécu, avait encore quelque chose à me
dire par-delà les mots. Des murmures parviennent jusqu’à moi, je m’aperçois que
l’écrivain a fait le choix du rêve pour renouer avec un passé douloureux, pour
rompre avec le temps chronologique et pallier le manque…, mais qu’importe que
je vois les ficelles de son travail ? Ce qui me touche, c’est l’histoire de l'écrivain – car le récit est autobiographique – une histoire de vie singulière
qui pourrait être l’histoire de tant d’autres vies d’enfants de la shoah.
Il a 17 ans, il est le narrateur. Lentement,
il ouvre les yeux, ses paupières entrevoient la lumière, il émerge des rives bienveillantes
du sommeil, là où ses parents sont encore vivants, où les camps et le ghetto
n’existent pas, ni le froid ou la faim, la violence ou la mort. Affaibli, les
yeux mi-clos, Erwin a tout perdu et tente de revenir à la vie. En Palestine, il
apprend l’hébreu en copiant des passages de la Bible et s’émerveille du pouvoir rédempteur de la
langue. Il lutte, ne cesse de lutter contre une blessure de guerre qui l’immobilise,
et par-dessus tout, il "se prépare pour devenir écrivain". Pas à pas, l’écriture devient la voie
miraculeuse d’une renaissance et d’une alliance éternelle avec la nature et
avec ceux qui ne sont plus, ses parents.
Les dernières lignes du récit en disent
long sur ce lien indestructible avec les siens et avec la terre natale :
- - C’est le voyage qui me guérira.
(…)
- - Maman, je dois le faire. Les arbres des
Carpates, les rochers et les collines m’expliqueront ce que je ne comprendrai
pas et, si je n’arrive pas à voir les merveilles, l’enfant qui est demeuré
là-bas me les montrera. J’en ai tant vu dans mon enfance, mais j’ignorais qu’il
s’agissait de prodiges. Je marcherai d’un endroit à l’autre jusqu’à ce que je
sois passé par tous les lieux où nous avons été, et par tous ceux sur lesquels
j’ai entendu des histoires.
- - Mon chéri, attends que ton père soit
rentré des camps. Il ne faut pas que tu partes seul, ce sont des régions
froides et dangereuses. Reste là où tu es, pour l’heure, laisse les lieux
lointains venir à toi – dit-elle – avant de disparaître de ma vue. (p. 299)
***
C'étaient des enfants..
***
C'étaient des enfants..
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