Je lis Ru
de Kim Thuy. Ses souvenirs de réfugiée vietnamienne qui arrive au Québec à 10 ans avec sa famille, appellent mes propres souvenirs, comme si son récit était un prétexte tantôt à la
nostalgie, tantôt au recueillement, oscillant entre amusement et tragique,
entre les fausses séparations et les retrouvailles, entre un lieu qu’on quitte
et un autre qui devient le nôtre. Je lis, je m’arrête, je reprends ; je
cherche à couper ses souvenirs avec les miens. Le livre
m’accroche, je le finis pendant les deux heures de vol entre Ottawa et Winnipeg. Disons que le récit me plaît parce qu’il me donne
envie d’écrire ; écrire pour faire de la place aux souvenirs, pour
qu’ils viennent vers moi et restent inscrits. Ou encore, écrire pour faire lien avec ce qui a été,
avec ceux qui ont été. Ce rappel de la transmission est
intéressant chez Kim Thuy, il s'agit de « la possibilité de ce
livre », comme elle dit à la fin ; la possibilité que les générations
se rencontrent et ne s’oublient pas, l’écrit étant peut-être le meilleur
moyen de le signifier.
« Quant à moi, il en est ainsi
jusqu’à la possibilité de ce livre, jusqu’à cet instant où mes mots glissent
sur vos lèvres, jusqu’à ces feuilles blanches qui tolèrent mon sillage, ou
plutôt le sillage de ceux qui ont marché avant moi, pour moi. Je me suis
avancée dans la trace de leur pas comme un rêve éveillé où le parfum d’une
pivoine éclose n’est plus une odeur, mais un épanouissement ; où le rouge
profond d’une feuille d’érable à
l’automne n’est plus une couleur, mais une grâce ; où un pays n’est plus
un pays mais une berceuse.
Et aussi, où une main tendue n’est plus un
geste, mais un moment d’amour, prolongé jusqu’au sommeil, jusqu’au réveil,
jusqu’au quotidien ».
**
« En français ru signifie « petit ruisseau » et, au figuré, « écoulement
(de larmes, de sang, d’argent) » (Le
Robert historique). En vietnamien, ru
signifie « berceuse », « bercer ».
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