C’est elle la femme qui m’a posé cette
question : « Comment te vois-tu
à quarante ans » ? Sur le fond d’un ciel bleu pâle qui s’ouvrait
devant moi s’est découpée une pensée floue, latente, indescriptible.
Plus tard dans la journée, j'ai ouvert Les Années d'Annie
Ernaux. La première ligne disait : « Toutes les images disparaîtront ». Une autre question m’est apparue : Et les femmes, les hommes ?
Disparition, oubli, mémoire
incertaine. Le passage de Tchekhov en exergue du récit d'Ernaux dit tout cela :
« - Oui. On nous oubliera. C’est la vie, rien à faire. Ce qui
aujourd’hui nous paraît important, grave, lourd de conséquences, eh bien, il
viendra un moment où cela sera oublié, où cela n’aura plus d’importance. Et,
c’est curieux, nous ne pouvons savoir aujourd’hui ce qui sera un jour considéré
comme grand et important, ou médiocre et ridicule. (…) Il se peut aussi que
cette vie d’aujourd’hui dont nous prenons notre parti, soit un jour considérée
comme étrange, inconfortable, sans intelligence, insuffisamment pure et, qui
sait, même, coupable ».
Peut-être y a-t-il derrière notre vie
d’aujourd’hui, l’oubli qu’il y a le temps -- le grand temps, parent de la
surprise, des choix inconnus, inespérés.
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