Chaque année, il recommence. Depuis 1986,
John Ceprano, artiste d’origine toscane, refait ses sculptures de pierres
balancées qu’il prend dans la rivière des Outaouais, dans un parc à Ottawa.
Tous les jours, cet homme reprend son travail en plein air, les pieds dans
l’eau, jusqu’à l’arrivée de l’hiver. Persévérer ? Défier l’éphémère ?
Les deux sans doute. Peut-être aussi la quête d’un équilibre, l’idée que ce qui
nous vient de la nature – la pierre – retourne dans la nature. Clin d’œil aux
cycles de la vie et de la mort : au printemps, une vie nouvelle et un
nouveau projet démarrent.
Marchant parmi les statues, j’ai eu l’impression
presque palpable que les formes, les figurines – j’y voyais des oiseaux ou un
castor ou une belette.. – prenaient vie ; étaient vivantes. Un petit vent soufflait, c'était assez irréel d’être là, dans ce lieu que j’aurais pu ne
jamais connaître (il est sur une voie peu fréquentée), à contempler ces statues
de pierre, droites ou inclinées, petites ou grandes, qui émanaient une sorte de
fierté, un je-ne-sais-quoi qui leur donnait une aura de sacré, d’ancien.
Pourtant, ces pièces avaient été pensées pour disparaître avec les pluies d’automne, et voici que rien de leur vulnérabilité ne semblait
transparaître. Pour moi, elles resteraient là, et pour longtemps. Certes la
mission de l’art est de nous faire rêver, imaginer, divaguer... Ce soir encore,
je pense à John Ceprano et à ses statues qui font désormais partie du paysage. Par-delà les images, j’éprouve un mélange d’émerveillement et de tristesse. Je les vois là
demain, après-demain.. jusqu’à la première neige ; silencieux, pensifs. Les
journées raccourcissent et il fera bientôt assez froid. Eux, ils seront toujours
là ; dehors, au bord de la rivière des Outaouais.
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