J’aurais aimé dire quelque chose de plus
sur les liens que j’entrevois entre sport et écriture, mais avec quels mots
pourrais-je rendre ma pensée ? Hier, à une émission de télé sur les jeux
olympiques, j’ai entendu une sportive de triathlon s’excuser devant le public
canadien d’avoir raté une épreuve dans la compétition. Au bord des larmes, elle s'expliquait : pendant quatre ans, j’ai
travaillé, je me suis entraînée ; aujourd’hui, je n’ai pas pu, mon corps ne m’a pas suivie… Sa frustration était
évidente, mais je me suis dit qu’il y avait aussi autre chose : cette
fille tentait de dire qu’une compétition est plus grande qu'on ne le croit, qu'il y a de l'imprévu, du hasard, de l'autre... Avoir travaillé longtemps et très dur ne suffit pas pour
gagner, tant que le hasard est susceptible de s’y mêler et déjouer les plans. Ce hasard, qui fait souvent les choses, s'appelle aussi chance ou malchance ; il est connu pour déborder les limites du prévisible. Disons que pleurer de joie quand on a gagné une médaille ou de tristesse quand on a perdu, c'est entre autres l'oeuvre du hasard.
En pensée, j’avais une certaine sympathie
pour cette fille. Elle me rappelait que le sport et l’écriture ont
quelque chose en commun : cet imprévu, le hasard qui nous pousse ailleurs pour le
bien et le pire, qui déstabilise et fait pousser des ailes. J'imagine que c'est vrai : qui a l'habitude d’écrire et n’est pas écrivain sait peut-être qu’une
page bien faite donne l’impression presque palpable d’une satisfaction ;
c’est de la joie ; petit ou grand accomplissement. C'est là, écrit, et c'est bon. Simplement. Autrefois, c’est frustrant : on essaie, on se tord pour exprimer
une pensée et les mots se dérobent. Reste qu’une sensation d’intensité surgit dans le sport et dans l’écriture ; vivacité ou trouble du corps et de l’esprit.
Je relis Ritournelle de la faim de Le Clézio, et me dis encore une fois
que c’est un des meilleurs romans de l’auteur. Pourtant, je ne
savoure pas le texte entièrement, me sens assez tendue parce que je sais que je fais cette lecture pour essayer d’écrire un article... Je veux dire un
article critique. « Penser le féminin » à travers ce roman, c'est le
sujet. Trop vaste, pas évident, et c'est vrai, depuis quelques jours, j’y pense sans succès. Impossible de repérer
un fil suffisamment clair et intéressant à suivre. Là je me dis à nouveau que
c’est comme dans le sport : il faut continuer à s’entraîner ; chercher, tâtonner. Après tout, le grain d’insatisfaction, de non-trouvaille motive.
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