Retour à Ottawa, silencieuse et décorée de
fête d’hiver. Aujourd’hui, j’ai percé le secret du claquement qui vous
accompagne quand vous marchez dans les rues de cette ville. Le vent qui agite
les drapeaux fait bouger des anneaux métalliques fixés en haut des poteaux
alignés sur le trottoir. La ville claque et clignote, pavoisée de petites
lumières bleues et blanches. Vers 17 heures, à la tombée du soir, vous avez
l’impression qu’il est déjà tard. Beaucoup de circulation comme pour un
événement spécial, mais au fond, ce n’est que l’heure de pointe.
S’il est vrai qu’il ne nous arrive que ce
qui nous ressemble, je dois me reconnaître dans l’absurdité de certaines
situations – de surcroît, dans une absurdité que je crée moi-même, remplie de ridicule.
L’aéroport du centre-ville de Toronto, au premier étage. Salle d’attente assez
petite, grands écrans de télé, échos retentissants qui se heurtent aux murs
vitrés. Une masse de gens sans visages. Différente de la masse que j’avais vue quelques
jours auparavant dans la salle d’attente de l’aéroport de Winnipeg. Ici, la
masse d’un peuple pressé, penché sur des journaux ou des I-pads ; un aéroport pour des hommes (et femmes) d’affaires. J’ai
l’impression de me trouver au milieu de secrets énigmatiques, d’un flot
ininterrompu de signes bien maîtrisés dont je ne comprends pas le sens et dont
je suis de toute manière exclue ; du moins, c’est le sentiment que j’ai.
Vendredi soir à Ottawa au CNA, Le Grand Cahier, pièce basée sur le
roman d’Agota Kristof, dans une excellente mise en scène par Catherine Vidal. À
la sortie du théâtre, des cars de touristes chinois qui descendent pour regarder
les lumières en forme de sapin de Noël du côté du Parlement. Quel contraste
entre ce monde de la lenteur aisée, disons du luxe, et l’univers du Grand Cahier qui appelle à l’urgence, où
la Seconde Guerre fait rage en Hongrie, en Autiche…
Lisons ce passage sur « L’achat du
papier, du cahier et des crayons » :
« Chez
Grand Mère, il n’y avait pas de papier, ni de crayon. Nous allons en chercher
dans le magasin qui s’appelle ‘Librairie-Papeterie’. Nous choisissons un paquet
de papier quadrillé, deux crayons et un grand cahier épais. Nous posons tout
cela sur le comptoir face au gros monsieur qui se tient derrière. Nous lui
disons :
-
Nous avons besoin de ces objets mais nous
n’avons pas d’argent.
Le libraire dit :
-
Comment ? Mais …il faut payer.
Nous répétons :
-
Nous n’avons pas d’argent, mais nous avons
absolument besoin de ces objets ».
Entre ces personnages inquiétants et les
Chinois, probablement peu inquiets, s’étend la ville ; la nuit
où fondent les voix et les pensées.
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