02/10/2011

mélancolie

D’où vient le soleil noir de la mélancolie ? Soleil noir est le titre poétique du livre de Kristeva, mais pour de vrai, je pose cette question : d’où s’ouvrent ce gouffre de tristesse, cette douleur incommunicable qui nous absorbe parfois, et souvent durablement, jusqu’à nous faire perdre le goût de toute parole, de tout geste, ce désespoir surgi après tel échec, telle blessure sentimentale ou professionnelle, tel deuil, telle trahison ? Tout cela, j’ai l’impression, me donne une autre vie. Une vie chargée de peines quotidiennes, de malheur sans partage. Une vie dévitalisée prête à basculer à chaque instant dans la mort. Aux frontières de la lucidité et de l’absence, j’ai parfois le sentiment orgueilleux d’être le témoin du non-sens de l’existence, et ma douleur devient soudain la face cachée de ma philosophie de vie. J’ai cette disposition à la mélancolie, je cherche à la nommer, la disséquer dans ses moindres composantes, la retrouver dans la littérature, mais aussi la dépasser, passer peut-être à un autre deuil, moins brûlant, plus indifférent.

Entourée de livres, il m’est impossible de ne pas voir que la création littéraire est une des aventures du corps et des signes qui porte témoignage de l’affect : de la tristesse, comme marque d’une séparation ; de la joie, comme marque d’un triomphe petit ou grand. Je l’ai vu tout à l’heure chez Appelfeld dans Le garçon qui voulait dormir ou chez Nancy Huston dans Cantique des plaines. Dans le roman, l’humeur cesse d’être le matériau du témoignage pour se contenir dans des personnages, des rythmes, des formes. De quoi se dire que la mélancolie est nommable, et que notre capacité d’imaginer est la capacité de transférer du sens au lieu même où il s’est perdu dans la mort et le non-sens. 

Comment faire alors pour ne pas perdre cet espoir dans l’imaginaire ? C’est peut-être la voix à prendre, à entendre ; la voix par laquelle m’apparaîtront des voies bienveillantes dans la ville, dans la rue, le quartier, à l’université…

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