15/10/2011

musique et surprise

Music for a while, il y a un morceau de Purcell qui s’appelle comme ça, Music for a while, je crois que c’est un morceau qui va avec une journée un peu mélancolique d’automne, je ne sais pas de quoi ça parle, mais c’est très lent et très poignant, et ça dit qu’on a le droit de s’occuper seulement de la musique de temps en temps, pas tout le temps, mais « pendant un moment », for a while, qu’on n’est pas obligé de penser sans arrêt aux mouvements des indignés dans le monde, aux tensions conjugales et à la crise économique, mais qu’on peut simplement fermer les yeux et ouvrir les oreilles et jouir de la musique pendant un moment. Ce mot en anglais while, il est très beau parce que c’est indéfini comme durée ; ça veut dire « un certain temps », c’est-à-dire un temps incertain, et ça me donne envie de pleurer parce que ce sont les seuls moments, pendant la musique et pendant l’amour, où le temps est justement suspendu, où il n’est plus compté, où les minutes et les secondes ne comptent plus, où elles s’écoulent et je suis prise toute entière par ce qui m’arrive dans leur écoulement, la jouissance musicale et la jouissance amoureuse --- quelle blague, mais non je plaisante, j’essaie de me soustraire à une pile de corrections qui m’attend ; au lieu de vaquer à mon travail, je divague.

Bon, encore un paragraphe et je retourne à mes moutons. Pas sur la musique, mais sur quelque chose qui m’a surpris au point de me faire verser le café sur les papiers que j’avais sortis sur la table. Chez Stella’s, une pâtisserie assez chaleureuse, à 10h du matin, j’avais rendez-vous avec Laurie. Depuis trois jours, on échange en anglais par courriel, sur le program de bénévolat du Musée des Beaux-Arts où des étudiants en éducation pourraient se faire une place. Enfin, ce matin, on allait prendre un café ensemble. Vous pensez bien que Laurie, je l’avais imaginée une jolie femme, un peu artiste et artistique, qui s’intéresse à l’art. Mais non, Laurie était un homme, assez rustre et virile, dont j’ai appris que depuis quinze ans, il entraîne une équipe de soccer. Lorsqu’il m’a tendu la main : Laurie, nice to meet you !, j’ai eu beau croire pour un instant qu’il s’était trompé de table. C’était bien lui, Laurie avec qui j’avais rendez-vous. Dix heures plus tard, je n’arrive toujours pas à intégrer qu’au Canada, Laurie, avec un « e » à la fin, c’est le prénom d’un homme. C’est peut-être comme Courtney, dont j’ai appris qu’en Australie, c’est le prénom d’un garçon, lorsqu’aux Etats-Unis, c’est une fille. Bizarres, ces prénoms anglophones... Mais bon.

Je lui ai demandé, à Laurie, qu’est-ce qu’il faisait au Musée des Beaux-Arts ? Pourquoi était-il là si le cœur le tirait vers le sport ? Assez surpris par ma surprise, il m’a répondu que non, il faisait bien ce travail au Musée, et il travaillait aussi à Manitoba Hydro, et il faisait aussi le boulot d’entraîneur d’équipe de soccer, ce qui lui plaisait le plus. Je ne lui ai pas demandé si jamais il dormait... Dans les prochaines cinq minutes, j’ai appris qu’il avait habité à Toronto, à Hamilton, à Halifax, à Phénix, et qu’il était rentré « au pays », à Winnipeg, il y avait 9 ans. Il racontait et racontait.. et moi, j’avais du mal à imaginer ces villes, ces vies, ces déménagements, les camions de meubles, les cartons, les routes infinies et les distances au Canada. Comment font certains pour raconter leur vie sans brin d’émotion, sans frémissement ni tremblement de voix ? Ça tient peut-être du mystère d’être homme, ou d'être Canadien, ou.. je ne sais pas. En tout cas, cette rencontre m’a appris quelque chose comme ça : que rien n’est acquis, que les surprises nous viennent là où on ne s’attend pas. Et je devrais ne pas en être trop choquée. Finalement, j’ai apprécié que cet homme m’ait raconté son histoire, car j’ai compris qu’il y a des choses dans la vie que les gens font avec du plaisir et de la légèreté, et que ça vaut la peine de les connaître. Un point c’est tout.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire