22/10/2011

papier journal

Je glisse la masse imposante du Saturday Globe and Mail dans mon sac à main où il manque tout juste d’empêcher la fermeture Éclair de.. fermer. Je presse le pas. Ce dernier temps, j’ai tendance à marcher très vite. Au centre-ville de Winnipeg, je ne sais jamais qui est derrière moi.

Il fait beau. Les rues sont presque désertes. Assise sur un banc du jardin public, les yeux protégés de soleil, je sors le journal. Je m’y attendais : à part la chronique de Margaret Wente, souvent drôle – ‘a Canadian is someone who knows how to have sex in a canoe’, dit–elle sans s’exclure ; puis, une critique assez ennuyeuse du dernier livre de science-fiction de Margaret Atwood, et une publicité pour la Roche Bobois, pas grand-chose à lire. Mettons encore le dossier sur la tribu de douze enfants de Kadhafi. Je vois bien que le papier journal s’empile, et comme je reçois le Globe chaque jour de la semaine, cela commence à m’inquiéter. À Winnipeg, il y a des problèmes avec le recyclage. Simple : on recycle le moins au Canada. Je ne sais pas pourquoi, je l’ai appris hier de quelqu’un qui voulait s’assurer que je ne me mette pas à aimer cette ville.

Toujours à Winnipeg, je commence à comprendre qu’il me faut souvent un « plan B » : je me propose d’aller voir un ballet et je finis dans un Starbucks ; je pars travailler au bureau et je me retrouve au jardin public, et aujourd’hui, j’ai envie de lire le journal et je me vois obliger de feuilleter autre chose (obsédée du faire quelque chose). Je sors du sac une dizaine de pages froissées – je ne sais plus depuis quand je charriais ce tirage avec moi ; des extraits du livre O solitude de Catherine Millot. Là encore, rien d’intéressant, sinon un déferlement de mots pour dire le bonheur béat d’être seule pendant une croisière sur la Méditerranée. Et comme solitaire rime avec romantique et mélancolique, on relit Proust. Catherine Millot dit : « Pendant les heures de navigation, je relis À la recherche du temps perdu. Dans ce projet d’écrire sur la solitude, je voudrais dire le bonheur de vivre seule, lorsque la légèreté qui l’accompagne va jusqu’à l’effacement de soi dans la joie contemplative. Mais il m’est vite apparu que parler de la solitude n’irait pas sans évoquer sa face noire, celle qui prend le visage de la déréliction. La Recherche a toujours été pour moi le grand livre de l’amour indissociable de la détresse. Proust la fait toujours naître du sol qui se dérobe quand l’autre vient à manquer. Un retard, un ‘lapin’, un appel téléphonique sans réponse, et cet autre, presque indifférent lorsqu’on croyait pouvoir compter sur sa présence, devient l’objet d’un irrépressible besoin, puisque lui seul a désormais le pouvoir de calmer l’angoisse qu’il a fait naître ». J’ai compris que les mots de la psychanalyste se mêlent à la littérature et cela donne une recette d'« angoisse », « effacement de soi », « autre », « amour », « détresse », de quoi remplir une page de déjà-dit et de clichés....  - Mais s'il vous plaît. Je m’arrête là. - Mon sac ? Je cherche quand même un endroit où mettre tout ce papier à recycler.

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