Ils sont arrivés à
l’aéroport avec l’autobus 97. C’était un dimanche et il y avait peu de monde. Le
garçon était assis à côté de la jeune fille, silencieux, comme s’il avait fait
cette route des dizaines de fois. Je ne sais pas s’ils devaient prendre un vol
ensemble, mais cette ambiguïté amoureuse me faisait
imaginer leur histoire. Je me disais que oui, certes, c’est formidable de
pouvoir être assis à côté de la femme que vous aimez dans un autobus mais qu’il
manque à cet événement … quoi ? quelque chose comme l’essence.
Soudain je suis
envahie par une nostalgie perçante, à songer aux bons vieux temps quand mon
père me conduisait à la gare en voiture. Parfois, il s’arrêtait à une
station-service et un type halé, les mains noires de graisse, venait vers nous
d’un pas tranquille et mon père baissait manuellement la vitre pour lui parler
comme ça, d’homme à homme. Et les petites flaques d’essence sur le sol
faisaient des arcs-en-ciel.
L’autobus a viré
brusquement et le livre que je tenais dans la main est tombé. Quand je l’ai
repris, il s'était ouvert à cette page où parle Tulipe de Romain Gary :
« Ce que je ne pardonne pas ce n’est pas Dachau, cette ville de trente
mille habitants voués à la torture, mais le petit village à côté où les gens
vivent heureux, travaillent dans les champs et respirent l’odeur de foin et de
pain chaud… le cœur en paix, le paysan qui donne à boire à ses bêtes, caresse
son chien, aime sa femme ». En cherchant un crayon dans mon sac, je me disais que oui, il y a une essence à cette satire idéaliste : c’est l’impossibilité de
désespérer.
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