Dans mon enfance, le matin de 8 mars, je
mettais des souliers de printemps, même si parfois il faisait encore assez
frais. C’était la fête des mères, et sur le chemin de l’école primaire, la
plupart des enfants avaient des perce-neige, des crocus ou des frésias dans les
mains. Des fleurs pour la maîtresse. Il y avait quelque chose de gai et de
festif dans les rues, reflet d’une joie intérieure, et l’enthousiasme pour
cette journée dont on savait qu'elle allait être particulière : dès l'entrée en
classe, on remerciait la maîtresse pour ses efforts de chaque jour en lui
donnant les fleurs timidement. À notre façon, on lui montrait qu'on l'aimait.
Puis, il y avait surtout la joie de passer une journée plus légère à l'école :
le 8 mars, grâce à l'ambiance de fête, on avait l'impression que les heures de
classe passaient plus vite, et à la fin, on rentrait avec peu de devoir pour le
lendemain. Pure joie. L'après-midi, à la maison, la fête continuait – avec mon
père, on préparait une surprise à ma mère : des chocolats, des fleurs et
un gâteau d'anniversaire. Pure joie là aussi.
Des 8 mars d'autrefois, dans ma mémoire,
restent très clairs les souvenirs des cartes de vœu qu’on faisait à l'école
avec nos mains d’enfants pour offrir à notre mère en ce jour spécial. Le projet
commençait dès janvier avec un photographe qui nous rendait visite en classe
pour prendre des photos de chacun d’entre nous. On était bien habillés, peignés,
car on voulait que cette photo soit la plus réussie. La photo était collée sur
la carte, et qui voulait, pouvait dessiner un cœur autour en signe d'amour.
Sous la photo, chacun écrivait quelques mots dédiés à sa mère, ou deux vers d’un
poème, et après, venaient les décorations : fleurs, étoiles, sourires, dessins
des plus beaux, on faisait un grand effort pour embellir au mieux cet objet qui,
pour nous, avait une valeur presque sacrée. Ma mère a dû garder ces cartes
quelque part, j’espère les retrouver un jour. Ce qui me revient aujourd’hui,
c’est l’émotion de ces moments et inévitablement une onde de nostalgie.
Hier soir, dans le hall du Ballet de
Winnipeg, peu avant le début du spectacle The Sleeping Beauty, de petites filles en robes de bal et ballerines avaient l’air de s’amuser en
courant, faisant des jeux. Sans qu’elles le sachent, elles me rappelaient le 8
mars de mon enfance. Elles éveillaient en moi quelque chose de la petite fille
qu’aujourd’hui, j’imagine avoir été - ou du moins, celle que j'aurais voulu
être. Proustien, vous me direz, et à la fois, quoi de plus humain que
l’identification et le flot des souvenirs ?
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