22/10/2010

cruel réel

Rituel. Entre lundi où le procès de Russel Williams a commencé à Belleville en Ontario et jeudi où le juge prononça : ‘two concurrent life sentences for former commander, one of the most despicable killers in Canadian history’, les Globe and Mail et Toronto Star n’ont eu de cesse à révéler l’enfer qu’ont vécu Marie-France Cormeau, 37 ans, et Jessica Lloyd, 27, les deux femmes mutilées et tuées par Williams. Quatre jours de roman-vérité qui ont fait le tour du pays, des stations de radio et des antennes télé ; quatre jours qui ont semé l’horreur et la consternation. Entre dégoût, dépit et révolte, j’ai entendu des pleurs, des questions, des contradictions. Tout cela culminant dans le choc ; le choc et l’incompréhension : pourquoi ? Comment la maladie mentale passe dans les rangs supérieurs d’une base militaire aérienne à Trenton ? Ou encore, ce meurtrier en personne avait-il une fois piloté l’avion qui conduisait la Reine Elizabeth au Canada ?

Le secret, le meurtre, les menaces donc vivent parmi nous. 

Aujourd'hui, le Globe and Mail publie la sentence prononcée par le juge : There’s a saying we’ve all used…nothing surprises me anymore. That adage has no meaning here… The depth of the depravity demonstrated by Russel Williams has no equal. One suspects that he has contained for most of his adult life sexual desires and fetishes; however, in 2007, these inner thoughts began to control his private actions, pushing him deeper and deeper into criminal behaviour which culminated in the brutal and senseless murder of two innocents (News A7).

Ces lignes résonnent. Elles font écho au coeur du tribunal et vont encore loin loin, et pour longtemps. 


Me revient à l’esprit le livre de Truman Capote, De sang-froid, sorti en 1966, avec un extraordinaire retentissement aux Etats-Unis et pas seulement. Dans le premier numéro du Magazine littéraire en 1966, le jeune Le Clézio, alors âgé de 26 ans, parle de ce récit. S’emparant d’un fait divers atroce ayant défrayé la cronique d’une petite ville du Kansas en 1959, Le Clézio tente de saisir l’écriture de Capote qui, dit-il : « a exploré avec tout son corps et toute son âme un tourbillon, une action en marche. Il a été à la fois caméra et magnétophone, et, mieux qu'aucun instrument de mesure, il a suivi le courant d'une aventure, il y a participé, il s'y est trouvé compromis, impliqué. Il a été meurtri, il a été passionné, il a souffert et vécu chaque minute l'histoire qu'il voulait écrire ». Je me souviens aussi : l'enquête et l'écriture de ce livre d'un genre nouveau, roman de non-fiction, basé sur des faits réels et des témoignages des vrais protagonistes du drame, devient en 2006 un film-phénomène qui a valu à Philip Seymour Hoffman un oscar du meilleur acteur pour sa prestation dans le role principal.

Ces faits, vous le direz aussi, donnent pleinement à penser le rapport de la création au réel ; le lien entre fait divers et fiction ou cinéma ; la mise en mots et en images de la réalité. Le rapport à la normalité et la folie. Les comportements et la norme. Et quelle norme ? Myriade de pensées qui cherchent du sens au-delà du non-sens et composent des histoires dans l’espoir, au moins formulé, que la parole et l’écrit et la prise de vue artistique pourront dompter quelque peu la violence, le mal, le leurre et le malheur... 


P.S. Internet va vite, sûr. 
Wikipédia ne laisse pas passer le cas canadien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Russell_Williams

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