26/12/2012

divagations


J’écris sur cette page pour que quelque chose du temps des fêtes reste : des mots, une photo, le titre d’un film, des gestes de tous les jours comme prendre un café ou casser un œuf pour faire une crème à gâteau – pas n’importe quel œuf, mais un spécial sur lequel c’est marqué joyeux Noël au-dessus de la date d'expiration. Quelle idée d’écrire joyeux Noël sur un œuf justement ? J’avoue qu'en ouvrant la boîte, la vue m’a surprise, même amusée un peu : douze oeufs alignés, chacun portant la formule connue. Je me disais que celle ou celui qui avait proposé cette manière de faire des vœux devait avoir un désir secret de s’immiscer jusque dans ma cuisine, voire mon assiette, lit-té-ra-le-ment ! Joli, non ?


Peu de temps après l’œuf souhaitant joyeux Noël, nous avons réalisé que la saison des fêtes est assez mélancolique, malgré la joie qu'on nous sert un peu partout : radio, télé, revues de décorations intérieures, de mode, de cuisine, tout semble fait pour créer une ambiance festive et joyeuse. Mais au fond, tout est aussi fait pour que des souvenirs nous reviennent en vrac, des images des Noëls d’autrefois en grande famille, les joies de l’enfance surtout, ce qui ne nous épargne pas un sentiment de nostalgie. L'enfance n'est plus là et depuis longtemps ; les parents, les grands-parents sont loin ou disparus... le temps est irréversible, on le sait. Si on choisit de raconter des souvenirs, il nous arrive parfois de devoir nous arrêter parce que l'émotion nous brouille les mots, les phrases, le fil de la pensée ; qu’on le veuille ou non, la nostalgie se mêle de ces récits. C'est là, je crois, qu'on se surprend à invoquer la magie des fêtes, la force qu'elles ont de nous téléporter ailleurs, dans ce passé imaginaire où on était tous assis autour d’une table à Noël : le temps des rires et de l'insouciance.  

C’est toujours la même sérénade : Adina, à quoi penses-tu ? Oui, à quoi je pense ? Stop ! Il faut que je bouge, midi sonne, je ne vais pas rester en pyjama et faire des ronds dans l'eau: plutôt dans la neige! 

23/12/2012

la bûche de noël


Il ne pouvait y avoir qu'un Français pour inventer la bûche de Noël. Après le foie gras, le plateau de fromages, la tarte Tatin, il manquait la crème au beurre roulée dans un tapis de pâte moelleuse à parfums variés : vanille, café, chocolat, cannelle... A l'origine – je viens de le lire dans un texte de Lévi-Strauss de 1956 – la tradition voulait qu'on apporte un véritable morceau de bois à flamber au solstice d'hiver. Cette bûche arrosée de sel ou de vin, était bénie par le père de famille et ses cendres conservées pour fertiliser la terre et protéger la maison contre la foudre. De ce cérémonial disparu à la fin du XIXe siècle, un pâtissier français inconnu a eu l'idée, en 1945, de transformer l'ancienne coutume en gâteau de Noël. Le biscuit roulé devient alors le meilleur moyen d'imiter les nervures du bois, la crème au chocolat ou à la vanille remplaçant la confiture.

Je ne pensais pas passer la journée à l’intérieur, mais le roman de Linda Lê, Lame de fond, et des textes brefs que j’avais gardés en réserve pour les lire à un moment donné, ont fini par me retenir assise pendant quelques bonnes heures. Entre musique à la radio et des souvenirs pas toujours invités, j'ai essayé de mon mieux de faire le vide... Je voudrais tellement que Lou n’accuse pas Una de lui avoir volé Van et qu’elle traîne cette culpabilité pendant sept ans. Je voudrais tellement qu’un nouveau jour se lève et que je termine le roman, tout en conservant le souvenir de Lou. Je referme ce cahier, le rouvrirai-je demain ? Peut-être que je ne dois plus ruminer. Pourvu que je dorme comme une bûche jusqu’à demain à midi !

19/12/2012

voeux


J’ai été assez émue lorsque ce matin, j’ai trouvé dans la boîte à lettres une carte postale de Strasbourg. Avec l’écriture fine de mon amie, j’ai retrouvé la blancheur des hautes neiges, les marchés de Noël et des souvenirs d’un autre âge. La semaine dernière, j’avais moi-même envoyé des cartes postales pour les fêtes aux miens. Je me souviens avoir hésité devant les images de neige et de traîneaux à chiens qui étaient censées représenter le Canada, et qui ne m’ont pas accrochée particulièrement. J’ai fini par les prendre, plutôt parce que je n’avais plus envie d’aller en chercher dans un autre magasin. Je ne sais si mes cartes arriveront avant Noël, au fond, ce qui m’importe c’est d’avoir passé un moment à penser à ces hommes et à ces femmes qui me sont proches.. Après tout, je réalise qu’écrire à la main – le geste d’écriture manuelle – semble avoir comme un effet magique : un peu de présence s’inscrit véritablement sur le papier de la carte postale. Et cela se fait presque de manière festive, ce qui paraît impossible quand on écrit des vœux par e-mail.

Je dirais même qu’il y a un grain de présence autre dans ce tableau ci-dessous que je viens de recevoir : un pastel de Toronto en automne tardif… ou en hiver lent.

 toronto in winter

18/12/2012

vues de Toronto


À Toronto, j’ai reconnu une partie de mon passé récent, les années de doctorat. Il y avait sur Bloor Street les mêmes restaurants de sushi, autour de la station de métro Spadina, la même agglomération de passants et de voitures, mais mes yeux avaient changé ; les visages et les regards des étudiants jeunes, invisibles jadis, me semblaient tout neufs et m’éblouissaient. Je marchais lentement et en marchant, de temps en temps, je buvais du café que je tenais à la main. Dans les rues plus étroites de Yorkville, près de la Maison de la Presse, je regardais avec une certaine curiosité ces femmes et ces hommes bien habillés, en manteau de cuir et sans bonnet, pour qui le vent froid de Winnipeg que je venais de quitter, n’avait jamais existé. C’était l’histoire que je me racontais quand je me suis arrêtée devant la vitrine de Louis Vuitton ; elle exhibait de belles photos en noir et blanc sur le thème du voyage dans une île éloignée, sous le soleil. J’étais là, je voyais de mes propres yeux ces vitrines étrangères, qui m’imposaient avec tant de force leur présence… L’air était doux, incroyablement automnal pour une mi-décembre.

En même temps, dans la petite ville de Newtown, des gens pleuraient, priaient, allumaient des bougies pour les âmes des disparus ; des images de terreur perçaient à l’horizon, et j’aurais pu pleurer moi-même. Moi, sans prise sur ces lieux de Toronto où je marchais ; j’avais presque cessé d’exister. Une lourde fatigue qui n’était celle de personne se traînait à travers la foule.

Je me retrouvai quelques heures plus tard ; mais je traversai Eaton centre en visiteuse distraite ; j’étais coupée de la musique de Noël, des vitrines abondant de cadeaux. J’avais hâte de me chercher une place dans un café pour reprendre La force des choses de Simone de Beauvoir. Le jour d’aujourd’hui me semblait si éloigné de la fin de la Seconde Guerre, et pourtant, il y avait une certaine joie alentour. 

Eaton Centre, Toronto                                                                            Indian Road, Toronto

10/12/2012

varia


Je regardais, j’écoutais. Le film Sur les traces de Marguerite Yourcenar présenté hier sur Tv5 m’a surprise : je découvrais une Yourcenar passionnée de voyages, proche de la nature et des espaces immenses du Nouveau Monde, qui en 1987 – trois mois avant sa mort – s’était rendue à Québec pour donner une conférence sur l’urgence de protéger l’environnement.. Dans ce film québécois, je découvrais donc une Marguerite Yourcenar différente de celle qu’on m’avait enseignée autrefois, une écrivaine libre et en avance sur son temps, une femme bien dans son corps, portée à faire la connaissance d'autres peuples et de nouveaux pays, assez loin de l’auteure raisonnée des Mémoires d’Hadrien, la première femme à entrer à l’Académie française en 1980.

Au Musée canadien des civilisations de Gatineau, une autre bonne surprise : l’exposition Vodou qui y est présentée jusqu’en janvier 2013 m'a paru une réussite. Disons qu'elle parvient à démystifier la pratique du vodou d’Haïti, longtemps stigmatisée par l’église catholique et les Occidentaux.

Finalement, la neige fine qui tombe sur Ottawa est elle-même surprenante, car une véritable ambiance gothique descend sur la colline du Parlement… On se croirait dans le Bleak House de Charles Dickens. 

Ottawa, décembre 2012