23/05/2011

potiche

Le cinéma a quelque chose à dire, une urgence, une impatience, une histoire d’amour ou de famille. Potiche, le dernier film de François Ozon qui passe ces jours-ci à Toronto porte quelque chose de féerique dans le nom et dans le scénario. Traduit en anglais trophy wife, le film pose une drôle de question : potiche, c’est qui dans la famille Pujol ? Potiche, Pujol, les sonorités de ces mots font rire. Les personnages sont amusants et sérieux à la fois : la mère, femme au foyer, jouée par Catherine Deneuve, semble tout aussi naïve et sans soucis que son mari est colérique et débordé par les affaires d’une entreprise de parapluies qu’il dirige. Patron donc, M. Pujol (Fabrice Luchini) ne l’est pas pour longtemps, car toute la légèreté du film se tisse autour du renversement des rôles : la femme potiche qu’on croyait trop romantique, naïve et bourgeoise, se retrouve à la tête de l’entreprise et, avec tact et une certaine intelligence, parvient à calmer la grève des ouvriers.

Cette grève est une heureuse rupture et dans le couple Pujol et dans les affaires. La femme se trouve désormais au premier plan, lorsque le mari un peu ridiculisé devient l’homme potiche au foyer. Nous sommes en 1977 en France, et ce qui touche est que la réalité d’il y a plus de trente ans semble être en symbiose avec le monde que nous côtoyons aujourd’hui. Faire la grève en France peut faire rire, c’est un cliché de l’imaginaire collectif, et François Ozon se joue de ce sujet en le traitant avec du rire et de la légèreté. C'est une comédie dont la devise est simple : quoi qu’il arrive - grève, ruptures, disputes et réconciliations - la vie l’emporte. C'est aussi le message du film qui se termine avec une Madame Pujol qui emporte les élections locales et devient députée : une Catherine Deneuve qui chante et veut nous enchanter en chantant « la vie est belle… ».

Je suis sortie de la projection avec l’impression que le cinéma français peut montrer la vie simple et compliquée, et la célébrer dans ses combats intimes et sociaux ; et que cette célébration se doit de se transmettre.  


22/05/2011

palme d'or

Terrence Malick's The Tree of Life wins Palme d'or at Cannes. 

le visage des livres

J’ai traversé un quartier de Toronto ensoleillé pour la fête de Victoria Day. Par contraste, l’ancienne rue Madison, qui monte de biais vers Casa Loma, semblait plongée dans l’ombre. Je me suis assise sur la terrasse du petit café Ezra Pound, en imaginant que cet endroit vit passer tant d’étudiants ou d’écrivains imaginaires.

L'écrivain Jérôme Garcin, je ne l'ai jamais lu, mais je me souviens de son visage d'une émission récente La Grande Librairie. Il parlait alors de son livre Olivier (Gallimard 2011), écrit à la mémoire de son frère décédé. J’ai dans la main un autre de ses livres, Les livres ont un visage (Mercure de France 2009). Le titre m’a plu, c’est peut-être la raison pour laquelle, je l’ai sorti des étalages de Robarts, curieuse de voir c’est quoi le paradoxe des livres et des visages, des visages qu’on pourrait mettre sur des livres. À la page 46, dans un chapitre intitulé « Face à la mer », je suis assez surprise de découvrir le visage de Le Clézio. Garcin qui parle en ami de Le Clézio lors d'une rencontre de l’été 2008. Le texte commence ainsi :

« Au téléphone, il a proposé de venir me rejoindre en Normandie, ‘pour voir les chevaux’. Ma passion l’intriguait. Depuis le temps que j’en parlais, il voulait les admirer de près, ces monuments de muscles, ces instruments de la liberté, et peut-être même, malgré son peu d’expérience – ‘j’ai peu monté, et surtout dans les déserts, au pas’ – partir en promenade, découvrir mon pays où la forêt sent la mer et où, au petit trot, on s’enfonce dans les paysages du jeune Flaubert, on avance en arrière. Je lui ai répondu que ce serait pour une autre fois (…), que j’était d’abord curieux de le voir chez lui, en Bretagne, où il se cache aux beaux jours. 

Chez lui, c’est une maison toute simple, entourée de pins obliques et de rochers de granit, posée au bord de la falaise contre laquelle la mer se fracasse, bave blanc et s’exaspère dans un grand bruit d’armurerie. L’été cyclothymique touche à sa fin. Avec sa femme, Jémia, Jean-Marie Gustave Le Clézio termine de repeindre la façade en blanc et bleu. La ligne qui sépare les deux couleurs n’est pas vraiment droite ; elle est brisée par quelques vaguelettes involontaires. Jean-Marie confesse en souriant qu’il n'est pas très doué mais refuse de laisser la tâche à un professionnel. Cette maison à l’équerre lui ressemble. Elle n’aime pas le luxe, elle fait entrer le ciel et la mer par deux grandes baies vitrées, elle sent le voyage. D’ailleurs, la peinture fraîche, blanc et bleu, ajoute la Méditerranée au Finistère. Le havre d’un nomade, le gîte d’un doux rêveur. 

À soixante-huit ans, (…) il se rappelle son enfance heureuse dans ce pays âpre dont il aime la lumière, les secrets, la lenteur et les gens. (…) ‘Là (dans le petit port de Sainte-Marine), me raconte-t-il, je m’allongeais dans l’herbe, au milieu des chardons, et je passais me journées à regarder le ciel. Les nuages allaient aussi vite que les mouettes et les fous de Bassan. Le roulement des vagues les accompagnait. J’avais le vertige. Le ciel breton est le plus beau des voyages, ce fut ma première aventure. La nuit, comme j’étais insomniaque, je marchais seul dans la lande, et je sentais autour de moi comme une présence magique, surnaturelle. Le lieu était habité' » (p. 48).

En ville, on ne voit pas le ciel voyager, mais une présence magique, lointaine, se fait sentir les jours feutrés d’été. Le temps d’une brève lecture, je redécouvre la joie des mots, des souvenirs, des lieux.. Je ne sais pas d’où me vient cette curiosité indiscrète et bienveillante de regarder les vacances des écrivains, la mer et le ciel qui s’offrent à leur imaginaire, à leurs regrets, parfois aussi à leurs doutes. 

17/05/2011

sur la solitude

« On trouve des gens trop seuls dans la société actuelle », dit Duras dans « La Solitude », texte bref publié dans le numéro de juin 1980 des Cahiers du cinéma. Aujourd’hui en 2011, si elle devait penser la solitude, Marguerite Duras écrirait probablement la même chose, comme si ses mots tenaient d’une position intemporelle de l’homme dans le monde. À lire ces lignes, je suis émerveillée d’imaginer le malaise d'être seul égal à lui-même à travers les années.

Le spectre de la solitude, Duras le décrit avec une certaine acuité : « Il y a des gens invivables que tout le monde fuit parce que justement ils ne sont pas doués de solitude. Des gens qui ne voient pas, qui n’entendent pas, qui meublent leur vie à n’importe quel prix. Des gens épouvantés, isolés de par leur épouvante même à l’idée de la solitude de la vie. Leur épouvante nous épouvante à notre tour. Nous, si on parle de la solitude, on trouve que les gens sont à la fois trop seuls et pas assez seuls. La plupart des gens se marient pour sortir de la solitude. Vivre avec, manger avec, aller au cinéma avec. La solitude est brouillée mais pas défaite. La garantie : le recours à l’autre toujours présent. Le couple des amants est le fait d’un instant. Il ne survit jamais au mariage. (…)
Si j’écris, je manque à quelqu’un. Si j’aime « ailleurs » je manque à l’amour de celui ou de celle qui m’attend. Si je pars je quitte, si je m’éloigne je veux déjà quitter. Les responsabilités clouent au sol. Le bonheur ne va pas. Ne va pas avec la liberté. L’épreuve de la liberté est sans doute la plus dure de toutes mais il s’agit d’un autre et terrible bonheur. Quand on parle des gens seuls, c’est aussi là, dans ces couples qui se disent heureux, stables, qu’on les trouve. Il y a des enfants. Du travail. On y fait l’amour le samedi après-midi. On n’y a plus de désir l’un de l’autre mais une profonde affection. On y rêve chaque nuit d’un nouvel amour. De nouveau désir. On n’y dit rien des rêves. Le rêve devient coupable de trahison. La trahison c’est ce qui reste de plus vrai de l’amour. Ce qui permet d’attendre » (p. 73).

Une Duras qui parle de la vie tout court, du sens de l’existence, des sens que l'existence pourrait avoir ; une voix qui pousse à regarder là où on n’est pas toujours prêt à regarder. C’est je crois d’avoir découvert cette voix nue, que je me retrouve quelque peu renouvelée, et déplacée de ce que je pensais acquis pour une journée.

Toujours sur la solitude, dans le texte bref du dernier numéro d’Égoïste dont je parlais hier, Le Clézio me plaît. Il m’apparaît sincère, humble, quand il commence par : « Je suis né seul, je mourrai seul. Entre ces deux extrêmes qui conditionnent toute vie sur cette terre, je suis libre d’inventer tout moyen pour rompre cette fatalité de la solitude ». Et il n’a pas tort de nous rappeler la nécessité d’inventer, ce besoin de créativité qui peut distinguer et rendre une vie singulière. C'est peut-être ce qui m'a plu dans la lecture du texte où je découvre l'homme Le Clézio, simple et spontané dans son langage oral, et pas autant le romancier tourné vers un langage écrit, un style. 

16/05/2011

revue égoïste

Les pluies de mai sont là. La lumière est bleuâtre, poreuse d’un bleu impur, elle se débat dans un voile continu de gouttes qui tombent. Je marche sous le parapluie, bottes jaunes en caoutchouc, je presse les pas le long des trottoirs déserts. L’après-midi toujours, la pluie se calme. Et puis, oui, aussitôt le vent de la nuit, voici, elle recommence, oui, aussitôt la nuit, elle se déchaîne encore et encore.

Je suis dans le salon noir. Vous êtes là, à mille kilomètres. Nous regardons dehors. Moi, sur l’écran de l’ordinateur, vous sur la plage. Les deux images ne se rapprochent pas, elles ne se parlent pas.

Par e-mail, j’apprends que Le Clézio vient de publier un article sur la solitude dans le dernier numéro de « la revue de luxe Égoïste », qui revient sur le marché après cinq ans d’absence. Il suffit de taper le nom de la revue sur google, vous le saurez : « La plus élitiste des revues est de retour en kiosque après cinq ans d’absence. Rencontre avec sa créatrice, et cliché exclusif », titre un article de L’Express le 10 mai. Parmi les nouvelles signatures de Nicole Wisniak, sa fondatrice, Le Clézio, Marc Fumaroli, Charles Dantzig, Fabrice Roger-Lacan, plus des photographes raffinés et des publicités qui font rêver.

A côté de ce glamour élitiste, les nouvelles sur DSK qui font le tour du monde, m’apparaissent encore plus tristes. En haut des maisons, la lumière commence à décliner. On attend l’heure, vingt heures, et que la nuit se pose.
  

14/05/2011

violence

Dans la vie, il arrive un moment de violence où tout est mis en doute : un mariage qu’on a fait, une amitié, un chemin de carrière… Ce doute grandit grandit jusqu’à ouvrir un trou béant d’incertitudes, de solitude. Marguerite Duras est là, au fond de ce trou à la sortie du coma en 1988. En retrait à Trouville, elle se demande "quoi faire de cette solitude ?". Écrire, l’écriture nue, sèche, terrible, crier sans voix. Écrire pour surmonter ; crier pour attraper le fil d’un lien, l’amour fait de paroles. Une Marguerite Duras violemment vraie, touchante dans cette vidéo de l’INA. Écrire, dit-elle, pour se sauver.

**
Ailleurs, aujourd'hui, Daniel Sibony donne à penser une autre violence brûlante :  celle faite aux jeunes.


13/05/2011

la Provence gourmande


Dès que je feuillette La Provence gourmande de Jean Giono (Albin Michel 1994), je m’imagine l’invitée de Manosque. Sylvie Giono, qui porte dans la plume le goût du bonheur hérité de son père, y joint ses souvenirs et des photographies de l’album de famille, et surtout des recettes : gratin, tarte aux abricots, ragoût... Ces pages font rêver aux étalages de poivrons, courgettes, fruits, bains de lumières qu’offrent les marchés en plein air.

Livre-voyage, album-musée Giono, livre de cuisine, tout y est pour tisser une image de bonheur simple, y compris une photo de la bibliothèque de l’écrivain où l’on entend sa voix : « Alors j’allume, je regarde autour de moi, je ne vois rien que des rayons de livres et je reste un temps infini avant de faire le point ».

La bibliothèque des livres de cuisine ; feuilles qui portent des taches, des marques, des éclaboussures ; pages collées dans la section des desserts. Il est loin le temps où les mères utilisaient une ou deux recettes de leurs mères ou grand-mères. L’album de Sylvie Giono nous rappelle que les livres de cuisine relèvent aujourd’hui d’un art de vivre. 

11/05/2011

points de suspension

« Points de suspension » : ces mots m’ont apparu lorsque ce matin, je me suis mise à chercher une façon de renouer avec les pages du blog. Après quelques jours de silence, je comptais trouver un mot ou un événement qui fasse le pont, et qui me permettrait de reprendre le fil, d’enchaîner comme si dans un récit, on mettait trois points de suspension, et la narration continuerait après ; on était dedans, et ça allait. 

Ces trois petits points donc, et j'enchaîne ici par trois histoires, trois faits dont on parle aujourd’hui : le festival de Cannes, la 64e édition, coup d’envoi cet après-midi avec le dernier film de Woody Allen, Midnight in Paris, une lettre-célébration de la ville de l’amour romantique, comme dit Allen dans un entretien du Monde ; puis, au Grand Palais à Paris, ouverture de l’exposition annuelle Monumenta – après Anselm Kiefer, Richard Serra et Christian Boltanski, c’est le tour de l’artiste britannique né à Bombay, Anish Kapoor, d’habiter l’espace et de le donner à voir, avec son Léviathan, le titre du projet, selon l’idée du monstre marin de la Bible ; et pas dernièrement, la venue enfin de l’été par une belle journée de soleil où les jonquilles semblent s’ouvrir de plus en plus avec chaque heure qui passe.

Points de suspension, mais pas de véritable interruption, façon de dire qu’on part ailleurs, qu’on revient, qu’on s’arrête et qu’on reprend, mais que l’espace d’entre-deux ne cesse d’être habité par des mots silencieux, par des pensées qui nous taquinent en sourdine. 


05/05/2011

in a better world

In a better world, c’est le titre en anglais du film danois de Susanne Bier (Oscar 2011 pour le meilleur film étranger), qui convie d’emblée à penser que serait « un monde meilleur » que celui d'aujourd’hui. On peut imaginer une myriade de scénarios qu’on arrivera à déchiffrer un à un jusqu’à la fin du film : in a better world donc, on ne passera pas par la mort pour dire qu’on aime ; in a better world, le deuil d’une mère ne remplira plus l’enfant de rage pour le pousser à se venger sur tout jusqu’à l’excès, à la folie ; la barbarie d’un homme monstrueux au Kenya n’ouvrira plus le ventre des jeunes mères pour voler leur bébé ; et in a better world, les parents pourront expliquer aux enfants la véritable violence.

Le film fait passer un message humain et humanitaire par excellence : là où l’amour passe, la mort ne tient pas, et une famille qui s’aime se réunit toujours, même si c’est par le détour de la catastrophe. Le personnage du médecin y est symbolique. Quant à la fin, s’aucuns pourraient la trouver beaucoup trop parfaite, presque sans faille, invraisemblable. Mais le message voulu ne saura nous tromper : la vie triomphe car il y a de l’amour dans toutes ses variantes : attachement, affection, amitié… Ainsi est-il que ceux qui croient au merveilleux de la vie, sortent de la salle de cinéma avec un sourire par-delà l’émotion, les larmes, en se disant peut-être oui, cela existe : l’enfant blessé guérit, le fils prodigue se réconcilie avec le père, le monstre du Kenya est tiré dans la poussière et tué par la communauté, les parents presque divorcés se retrouvent… Cet univers-là est la métaphore même du monde meilleur, un monde qui s’est transformé, est devenu en bien par rapport au début.

Pour ce qui est de la production, il est évident que dans l’imbrication des trois fils narratifs tissés par la douleur, dans le va-et-vient du monde africain et occidental en tension, dans les impasses des familles, il y a quelque chose de la sensibilité empathique et aiguisée de Suzanne Bier qui se transmet ; son art subtil de cinéaste qui donne à voir la force et la fragilité de l’être humain, ainsi que les menaces qui surgissent de l’intérieur et de l’extérieur là où on les attend le moins.

Bref : un film qui émeut et donne à penser ; un film de ceux qu’on ne voit pas assez souvent. 


03/05/2011

moments d'exception

Le philosophe allemand Peter Sloterdijk parle de « moments d’exception » qui peuvent changer le cours de l’histoire : élections, émeutes, guerres, tremblements de terre…, ces événements donnent à repenser « la place » de l’homme dans le monde, et à échelle plus grande, les sens des systèmes socio-politiques, la force de la nature.

Ce matin, à lire la une de Globe and Mail, comment ne pas penser à un moment d’exception ? Les résultats des élections fédérales titrent : Welcome to Canada’s Two-Party System, les Conservateurs (167 sièges dans le gouvernement national) et les Nouveaux Démocrates (102 sièges), parti de centre-gauche, éliminent tristement les Libéraux qui n’emportent que 34 sièges ; deux heures plus tard, sur le site web, le même quotidien titre : Breaking News : Ignatieff (le leader libéral) Resigns after Liberal Defeat. Ainsi va le train de la politique canadienne qui cette fois est qualifiée d’historique, car le NDP (New Liberal Party) prend la place du Parti Libéral comme représentant de l’opposition officielle.

Or, on le sait, dans la « macrosphère » de l’univers, comme dirait Sloterdijk, les élections au Canada ne sont pas le seul moment extra-ordinaire de ce début de mai : toute la journée d’hier, dans les rues de New York City, on voyait des gens se réjouir de l’annonce de la mort de Ben Laden, lorsque d’autres éprouvaient encore à fleur de peau la douleur de la perte des leurs le 11 septembre 2001. Ailleurs, à la télé et dans des journaux, on n’avait pas de cesse de spéculer sur les détails de l’opération militaire au Pakistan. Sur la première page de New York Times, deux mots : Got Him ! donnaient voix à un grand geste symbolique pour les Américains ; impression qu’une bataille soit gagnée contre le terrorisme.

Toujours ailleurs, le week-end dernier, dans la petite ville de Waterloo au Canada, des littéraires ressemblés dans un colloque, pensaient les sens des diasporas francophones, lorsque inévitablement pendant les pauses-café, les discussions sur les élections se glissaient dans presque toutes les bouches ; histoire de semer quelques instants d’exception dans cette assemblée qui parfois semble préférer rester dans le domaine des textes, de la littérature. La fin du colloque me reste assez exceptionnelle par le rire intermittent d’une salle de conférence plénière, rire enjoué qui voulait consentir au discours de Simon Harel sur « jouer à l’idiot ». Faire l’idiot donc, se contenter d’être sans effort,  exigence de pure êtreté comme stratégie de survie poétique en milieu hostile.

Plus loin, dans ce contexte d’exception du bien et du mal : prenons le mariage de Kate et William, joie de la monarchie britannique, et un peu plus au Sud, la terrible explosion en plein cœur de Marrakech, mort et douleur, points extra-ordinaires qui s’inscrivent dans l’histoire. Il nous reste peut-être malgré tout à penser un art du quotidien précaire ou assuré où de petits moments peuvent se vivre comme étant exceptionnels.

Que dire alors de nouveaux vélibs de Toronto – BixiTO – lancés ce 3 mai ? Dans le théâtre du quotidien de la ville, c’est une bonne exception, alternative au transport en auto. 

Madison Avenue, Toronto