03/05/2011

moments d'exception

Le philosophe allemand Peter Sloterdijk parle de « moments d’exception » qui peuvent changer le cours de l’histoire : élections, émeutes, guerres, tremblements de terre…, ces événements donnent à repenser « la place » de l’homme dans le monde, et à échelle plus grande, les sens des systèmes socio-politiques, la force de la nature.

Ce matin, à lire la une de Globe and Mail, comment ne pas penser à un moment d’exception ? Les résultats des élections fédérales titrent : Welcome to Canada’s Two-Party System, les Conservateurs (167 sièges dans le gouvernement national) et les Nouveaux Démocrates (102 sièges), parti de centre-gauche, éliminent tristement les Libéraux qui n’emportent que 34 sièges ; deux heures plus tard, sur le site web, le même quotidien titre : Breaking News : Ignatieff (le leader libéral) Resigns after Liberal Defeat. Ainsi va le train de la politique canadienne qui cette fois est qualifiée d’historique, car le NDP (New Liberal Party) prend la place du Parti Libéral comme représentant de l’opposition officielle.

Or, on le sait, dans la « macrosphère » de l’univers, comme dirait Sloterdijk, les élections au Canada ne sont pas le seul moment extra-ordinaire de ce début de mai : toute la journée d’hier, dans les rues de New York City, on voyait des gens se réjouir de l’annonce de la mort de Ben Laden, lorsque d’autres éprouvaient encore à fleur de peau la douleur de la perte des leurs le 11 septembre 2001. Ailleurs, à la télé et dans des journaux, on n’avait pas de cesse de spéculer sur les détails de l’opération militaire au Pakistan. Sur la première page de New York Times, deux mots : Got Him ! donnaient voix à un grand geste symbolique pour les Américains ; impression qu’une bataille soit gagnée contre le terrorisme.

Toujours ailleurs, le week-end dernier, dans la petite ville de Waterloo au Canada, des littéraires ressemblés dans un colloque, pensaient les sens des diasporas francophones, lorsque inévitablement pendant les pauses-café, les discussions sur les élections se glissaient dans presque toutes les bouches ; histoire de semer quelques instants d’exception dans cette assemblée qui parfois semble préférer rester dans le domaine des textes, de la littérature. La fin du colloque me reste assez exceptionnelle par le rire intermittent d’une salle de conférence plénière, rire enjoué qui voulait consentir au discours de Simon Harel sur « jouer à l’idiot ». Faire l’idiot donc, se contenter d’être sans effort,  exigence de pure êtreté comme stratégie de survie poétique en milieu hostile.

Plus loin, dans ce contexte d’exception du bien et du mal : prenons le mariage de Kate et William, joie de la monarchie britannique, et un peu plus au Sud, la terrible explosion en plein cœur de Marrakech, mort et douleur, points extra-ordinaires qui s’inscrivent dans l’histoire. Il nous reste peut-être malgré tout à penser un art du quotidien précaire ou assuré où de petits moments peuvent se vivre comme étant exceptionnels.

Que dire alors de nouveaux vélibs de Toronto – BixiTO – lancés ce 3 mai ? Dans le théâtre du quotidien de la ville, c’est une bonne exception, alternative au transport en auto. 

Madison Avenue, Toronto

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