15/12/2010

éloge de la lecture et de la fiction

Le 7 décembre à Stockholm, l’écrivain Mario Varga Llosa prononça en espagnol son discours de réception du Prix Nobel de littérature 2010, allocution intitulée : Éloge de la lecture et de la fiction. D’une voix émue et pleine, LLosa nous fait traverser son devenir écrivain, il parle des livres qui ont compté pour lui, des écrivains qui ont marqué son enfance, des grands auteurs de la littérature universelle dont les Français Balzac, Baudelaire et Proust occupent une place essentielle. Il y a surtout Flaubert, qui lui a inspiré la persévérance et le travail minutieux du style – c’est à cet auteur que Llosa dédie particulièrement le prix. S’y ajoute bien entendu la littérature innovante et vivace du Pérou qui n’a cessé de nourrir son goût de la littérature. Des écrivains comme : Borges, Octavio Paz, Coltázar, García Márquez, Fuentes, Rulfo demeurent toujours présents.

Plus loin, la figure de « la ville » participe à la singularité de l’imaginaire de LLosa. Paris, Londres, Barcelone et Madrid, Washington et New York restent des lieux de cœur, des espaces de rencontres, d’amitiés, d’illusions perdues et retrouvées. Ce sont des métaphores en acte qui abritent des histoires, témoignent de personnages, deviennent espaces vivants qui grouillent de voix, d’hommes et de femmes qui nous font voir quelque chose de l’ambiance d’un quartier, d’un jour ou d’une époque. « Citoyen du monde », comme il se sent, Llosa ne s’est jamais éloigné du Pérou qui reste la matrice de son être : « Le Pérou, je le porte dans mes entrailles parce que j’y suis né, que j’y ai grandi et m’y suis formé, et que j’ai vécu là ces expériences d’enfance et de jeunesse qui ont modelé ma personnalité, forgé ma vocation, et parce que c’est là que j’ai aimé, haï, joui, souffert et rêvé ».

On ne peut rester indifférent à un certain air commun des discours du Nobel de littérature. Les écrivains remontent à l’origine, au pays natal, pour parler de leur cheminement d’écriture. Ils rendent hommage à leurs prédécesseurs, aux proches, à la famille et à la fois, convoquent les grands défis de notre temps : immigration, analphabétisme, famine, guerre, totalitarisme, censure… En 2008, Le Clézio intitulait son discours Dans la forêt des paradoxes et parlait entre autres, de la position paradoxale de l’écrivain qui souhaite « changer le monde » et qui, depuis son milieu privilégié de happy few, ne parvient souvent qu’à dire dans l’espoir que ses mots se feront acte. L’écrivain voudrait par-dessus tout que ses mots, ses interventions et ses rêves interviennent dans la réalité, changent les esprits et les cœurs, ouvrent un monde meilleur. Son souhait rime avec l’espoir que tôt ou tard, ses paroles seront entendues et qu’elles feront bouger des impasses de toutes sortes. 

Pour Le Clézio, il y a cette question toujours présente : « Pourquoi écrit-on ? ». Elle traverse son œuvre et son existence, c’est sa manière d’aborder la place et l’implication de l’écrivain dans la société, son choix de faire l’éloge de la pensée, comme il le dit : « Si l’on écrit, cela veut dire que l’on n’agit pas. Que l’on se sent en difficulté devant la réalité, que l’on choisit un autre moyen de réaction, une autre façon de communiquer, une distance, un temps de réflexion ». Prendre du recul donc, trouver la distance juste pour dire le monde, voilà ce qui en dit long sur l’art unique de l’écrivain à saisir « quelque chose de simple, de vrai, qui n’existe que dans le langage ». 


Après tout, c'est le langage surtout qui fait le cœur et l’essence de l’écriture. Dans son discours, Varga Llosa nous transmet ce même message de confiance dans le pouvoir des mots, dans leur magie qui pourrait contribuer « à diminuer la violence, non à en finir avec elle. Parce que la nôtre sera toujours, heureusement, une histoire inachevée. C’est pourquoi nous devons continuer à rêver, à lire et à écrire, ce qui est la façon la plus efficace que nous ayons trouvée de soulager notre condition périssable, de triompher de l’usure du temps et de rendre possible l’impossible ».

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