26/08/2013

ma vie en dormant


J’aime dormir : je n’éprouve le sommeil ni comme un repos ni comme un spectre de la mort. Aux nuits opaques de mon enfance avaient beau succéder les rêves colorés d’une jeunesse agitée d’intrigues sensuelles, Freud a tout dit à ce sujet ; la mort tragique de mon père a eu beau creuser le pli d’une insomnie régulière, une heure après minuit tapante, depuis quelques années déjà – rien n’y fait. Le sommeil est ma seconde demeure. Seconde langue, seconde nature. Etranger et familier à la fois, le sommeil m’a toujours été refuge, source et recommencement. Serait-ce la raison pour que seuls les dormeurs-rêvers peuvent éventuellement appréhender et témoigner de leur sommeil et de leurs rêves ?

Le petit Marcel rêvait de scènes sadomaso, une manière de transgresser entre les impensables crises d’asthme et ses pures méditations d’écrivain penché sur le temps retrouvé. Mais il n’ignorait pas pour autant le sommeil profond, qu’il désignait comme un « second appartement » dans des intrigues romanesques, comme le sont les premiers rêves analysés par l’inventeur de la psychanalyse. Rien que des sensations douloureuses, des lumières éblouissantes, sonneries stridentes et violents réveils. Proust le dormeur-rêveur semble réussir là où le névrosé en analyse échoue : en nommant l’irreprésentable sensation. Tout en découvrant l’impossibilité de se représenter (de dire, de peindre, d’en faire de la musique), les rêveries sont-elles douloureuses ou extatiques ? 

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