En marchant sur la rue Saint-Catherine,
je me rappelle cette triste histoire qui m’a marquée au début de la semaine.
J’apprenais qu’une bonne amie est atteinte d’une maladie méchante, qui peut donner
la mort. Je me rappelle la voix au téléphone, le silence, les larmes. Se
révolter, crier, serrer les poings ? Awful…
Awful. C’est ainsi que je raconte les choses.
Je marche, je continue de marcher.
Le soleil me fait mal aux yeux.
En passant devant une librairie, je
pense à J., une ancienne copine de classe. On entrait souvent ensemble dans des
librairies. Cette année, elle n’est pas dans la ville. Je regarde seule les livres,
des titres au hasard. Le temps et l’autre
d’Emmanuel Lévinas. À la page 21, je lis :
« En quoi consiste l’acuité de la solitude ? Il est banal de dire que
nous n’existons jamais au singulier. Nous sommes entourés d’êtres et de choses
avec lesquels nous entretenons des relations. Par la vue, par le toucher, par
la sympathie, par le travail en commun, nous sommes avec les autres. Toutes ces
relations sont transitives : je touche un objet, je vois l’Autre. Mais je
ne suis pas l’Autre. Je suis tout
seul. C’est donc l’être en moi, le fait que j’existe, mon exister qui constitue l’élément absolument
intransitif, quelque chose sans intentionnalité, sans rapport. On peut tout
partager entre êtres sauf l’exister. Dans ce sens, être, c’est s’isoler pour
exister. Je suis monade en tant que je suis ».
Pas d’interlocuteur. Pas d’être avec
qui partager. Je suis inquiète.
« On peut tout partager entre êtres sauf l’exister », écrit Lévinas. J’ai pris trois cafés aujourd’hui, rien que pour me calmer. Je n’aurais
pas dû. Tout se brise ici. Qui va réparer ? Qui va nous réparer ?
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