09/04/2013

émigrante


Si j’analyse un peu, je dirais que l’aéroport Pearson a été pour moi la porte de l’Amérique. C’est par là que je suis arrivée à Toronto. Un agent des douanes a collé dans mon passeport une fiche d’Emploi et Immigration Canada relative au droit d’établissement.. ‘landed immigrant’. La fiche était en format A4, sur papier épais, il a fallu la plier pour fermer le passeport. Elle a tenu, tient encore. J’ai fini par passer l’examen de citoyenneté : j’ai chanté Ô Canada avec une trentaine d’inconnus dans un bureau gouvernemental de l'Ontario. Dehors, une ville immense de gratte-ciels. Dedans, le grésillement des fantômes.

Je n’ai pas immigré dans la douleur mais pour renouveler les possibles, par curiosité pour un pays dans lequel il y avait de la place pour les nouveaux arrivants. À Toronto, je n’étais pas étiquetée immigrée. Les relations étaient de distance et d’appartenance, même si cela prenait du temps. L’étrangeté un luxe, pas une étiquette qu’on me collait dessus. Pearson représente les grands espaces américains mais pas seulement, avec la possibilité de retourner en Europe une fois passée de l’autre côté de la barrière de sécurité. Contrairement à ceux pour qui l’immigration est un départ sans retour, une séparation définitive d’avec les siens, Pearson n’a pas déchiré ma vie, il en a ponctué les étapes. J’y suis repassée plusieurs fois les six dernières années. Après 2008, ma famille de là-bas s’est faite plus pressante. J’ai rendu des visites annuelles, fait des séjours longs ou brefs. Je partais pour des vacances ou pour les obsèques d’un proche. Je revenais à Toronto dans un taxi noir - ‘aeroport taxi’ – dans lequel je tombais endormie. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire