Si j’analyse un peu, je dirais que
l’aéroport Pearson a été pour moi la porte de l’Amérique. C’est par là que je
suis arrivée à Toronto. Un agent des douanes a collé dans mon passeport une
fiche d’Emploi et Immigration Canada relative au droit d’établissement.. ‘landed
immigrant’. La fiche était en format A4, sur papier épais, il a fallu la
plier pour fermer le passeport. Elle a tenu, tient encore. J’ai fini par passer
l’examen de citoyenneté : j’ai chanté Ô
Canada avec une trentaine d’inconnus dans un bureau gouvernemental de l'Ontario. Dehors, une ville immense de gratte-ciels. Dedans, le grésillement des
fantômes.
Je n’ai pas immigré dans la douleur
mais pour renouveler les possibles,
par curiosité pour un pays dans lequel il y avait de la place pour les nouveaux
arrivants. À Toronto, je n’étais pas étiquetée immigrée. Les relations étaient
de distance et d’appartenance, même si cela prenait du temps.
L’étrangeté un luxe, pas une étiquette qu’on me collait dessus. Pearson
représente les grands espaces américains mais
pas seulement, avec la possibilité de retourner en Europe une fois passée
de l’autre côté de la barrière de sécurité. Contrairement à ceux pour qui l’immigration est un départ sans
retour, une séparation définitive d’avec les siens,
Pearson n’a pas déchiré ma vie, il en a ponctué les étapes. J’y suis repassée
plusieurs fois les six dernières années. Après 2008, ma famille de là-bas s’est faite plus pressante. J’ai
rendu des visites annuelles, fait des séjours longs ou brefs. Je partais pour
des vacances ou pour les obsèques d’un proche. Je revenais à Toronto dans un
taxi noir - ‘aeroport taxi’ – dans lequel
je tombais endormie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire