Un jour, dans un magasin de stained glass sur Ellice Street, qui est aussi atelier d’artistes, j’ai rencontré Adina. Une jeune fille aux
cheveux noirs, derrière le comptoir, qui avait l’air de chercher quelqu’un à
qui parler. Comme personne n'était dans le magasin, je l’avais aperçue dès
mon entrée. Assez vite, je me suis retrouvée avec sa carte de visite dans la
main : "Adina Balthazar, stained
glass artist". Son prénom, me dit-elle, lui vient du Yémen, où elle est née
; en arabe, c’est le féminin de…. J’ai été un peu embarrassée par son besoin de
justification et, sans lui dire que je portais le même prénom, je me suis éloignée. Peu après, je suis sortie. En marchant, j’ai quand même regretté de n’avoir pas regardé les deux dernières
pièces du magasin. J’ai conclu que la vanité des inconnus me déplaît.
Dehors, il faisait toujours froid et
bleu foncé. Je me suis rappelée le livre Ce qu’aimer veut dire de Mathieu Lindon sur son amitié avec Michel Foucault,
que j’avais beaucoup aimé. En chassant une pensée, je tombe sur une
autre : à qui n’est-ce jamais arrivé ? Pour vérifier un souvenir, je mets
la main sur un livre et je cherche le paragraphe qui m’a touchée, qui est
d’habitude souligné. Ce que j’ai fait en rentrant. Lorsque je copie ces
lignes, je pense aux rencontres qui peuvent changer une vie… Mathieu Lindon
qui a rencontré Michel Foucault ; Foucault qui a rencontré le fils de Jérôme
Lindon. Mathieu qui écrit : « À
partir de Michel je commence à écrire, et le livre publié m’y ramène autrement.
Son intimité circule dans un petit cercle : deux ans après sa mort, il est
encore là, concrètement, en plein dans l’actualité de ma vie ». Un peu plus
loin : « J’étais le jeune homme
de l’appartement mais il n’y avait plus l’appartement ni la jeunesse. Et
pourtant l’appartement et la jeunesse allaient encore être là pour m’aider, ma
vie durant, tels des prolongements de Michel qui ne m’abandonne pas ».
Moi aussi, je pense parfois aux
rencontres qui ont changé ma vie. Moi aussi, il y a des amitiés que j’ai
perdues, et à chaque fois qu’une amitié disparaît, je me demande si un
jour je vais en faire quelque chose. Vais-je un jour d’été m’asseoir et écrire
le deuil ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire