10/04/2013

constat


Depuis quelques jours – en fait depuis que j’écris ma lecture de l'acte créateur chez Duras – je dors plus calmement, plus longuement. Pour ma santé, cela vaut mieux : je m’épuisais. Pour les trouvailles dont mon inconscient me faisait cadeau chaque nuit, leur disparition me peine : filon dont l’exploitation se retrouve interrompue. Je suis revenue au fonctionnement de surface. Pour éviter non seulement le moment où il me faut affronter la page blanche, mais où je dois d’abord creuser un trou à l’intérieur de moi.

Imaginons :
Duras, de retour de l’Hôpital américain de Neuilly en 1982, écrit dans un état de grâce, de transparence, à ce qui était jusque-là ténèbres en elle. Elle écrit d’un seul jet. État créateur qui se prolonge pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce que le texte ainsi écrit ait épuisé le souffle intérieur qui le projette sur la feuille de papier. Un livre à peine terminé, le livre suivant impose sa dictée…. Créer au masculin, c’est retourner l’effacement sur lui-même, c’est effacer l’effacement. Créer au féminin, c’est laisser les associations libres ou déterminées s’emboîter les unes dans les autres pour donner contour aux rêves, aux fantasmes. Duras conjoint les deux modèles : une vérité brute qu’elle plie et la souplesse féminine s’enroulant autour de cet axe. Surgit ainsi l’émotion non dite comme une sorte de lumière du récit le plus sombre, le plus concis possible.

Épuisement de l’écrivaine, de cette écrivaine-là, mais existence de ce qui aurait été englouti par l’oubli. 

Avertissement aux lecteurs de ces livres-là, au lecteur de ce livre-là : la vie quand elle se sait menacée, elle change de ton, de rythme. 

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