Depuis quelques jours – en fait
depuis que j’écris ma lecture de l'acte créateur chez Duras – je dors plus
calmement, plus longuement. Pour ma santé, cela vaut mieux : je
m’épuisais. Pour les trouvailles dont mon inconscient me faisait cadeau chaque
nuit, leur disparition me peine : filon dont l’exploitation se retrouve
interrompue. Je suis revenue au fonctionnement de surface. Pour éviter non
seulement le moment où il me faut affronter la page blanche, mais où je dois d’abord creuser un trou à l’intérieur de moi.
Imaginons :
Duras, de retour de l’Hôpital américain de Neuilly en 1982, écrit dans
un état de grâce, de transparence, à ce qui était jusque-là ténèbres en elle.
Elle écrit d’un seul jet. État créateur qui se prolonge pendant plusieurs
semaines, jusqu’à ce que le texte ainsi écrit ait épuisé le souffle intérieur
qui le projette sur la feuille de papier. Un livre à peine terminé, le livre
suivant impose sa dictée…. Créer au masculin, c’est retourner l’effacement sur
lui-même, c’est effacer l’effacement. Créer au féminin, c’est laisser les
associations libres ou déterminées s’emboîter les unes dans les autres pour
donner contour aux rêves, aux fantasmes. Duras conjoint les deux modèles : une vérité
brute qu’elle plie et la souplesse féminine s’enroulant autour de cet axe.
Surgit ainsi l’émotion non dite comme une sorte de lumière du récit le plus
sombre, le plus concis possible.
Épuisement de l’écrivaine, de cette
écrivaine-là, mais existence de ce qui aurait été englouti par l’oubli.
Avertissement aux lecteurs de ces livres-là, au lecteur de ce livre-là : la vie quand elle se sait menacée, elle change de ton, de rythme.
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