12/05/2010

el secreto de sus ojos


Le film El secreto de sus ojos du cinéaste argentin Juan José Campanella est une réalisation palimpseste impeccablement ficelée : thriller psychologique, drame, mélodrame, histoire d’amour. C’est un divertissement de qualité, avec des personnages passionnants, qui décline le thème de la vérité inscrite dans le regard avec une grande finesse. Ce film eut l’Oscar du meilleur film étranger cette année, il trimpha du Ruban Blanc  de Michael Haneke et du Prophète de Jacques Audiard.

Ricardo Darin & Pablo Rago

Nous sommes en 1974 en Argentine, une jeune institutrice de 23 ans est violée et sauvagement assassinée. En 1999, l’employé de justice qui fut chargé de l’enquête, désormais à la retraite, tente de faire face à ses pensées obsessionnelles sur le cas et se propose d’écrire un roman sur cette affaire sordide. La figure de l’écrivain (le talentueux acteur argentin Ricardo Darin) est touchante, car c’est à travers elle que se donnent à penser les limites de l’acte d’écrire, la quête éperdue du mot juste, l’immense et douloureux patchwork d’images, éclats fugitifs d’existence et de fantasme, qui tissent la toile d’araignée d’une histoire. Il s’agit d’une double histoire : la sienne et celle de l’autre, de la jeune fille, comme si écrire devenait subrepticement pour l’écrivain l’occasion de revisiter sa propre existence, de lui donner du sens, d’y entrer à rebours. Dans le film, les interstices entre passé et présent, entre désir de justice et contraintes d’un système politique corrompu (1974 est aussi l’année de la mort du général Perón), entre impossibilité de la parole et envie du partage, s’enchaînent avec subtilité, au ralenti, on dirait pour accentuer la le drame du cas investigué et nourrir le suspense psychologique, émotionnel.



Par-delà la trame narrative, qui donne l’impression de l’action, du thriller, le récit du film tisse un mystère que seuls les yeux transmettent, et qu’il faut pouvoir et surtout, savoir décrypter. Le film communique aussi le marasme existentiel contemporain, il transmet le sentiment de l’abandon et de la solitude ; l’impuissance face à un système de justice implacable, devant l’inhumanité de l’homme, devant la parole. 



Autrement, à l’écran, la double posture de témoignage de l’écrivain : celle de l’observateur investi du pouvoir d’introspection, et celle de l’acteur, dans le sens d’agir, de déchiffrer un cas réel, de chercher le coupable, nous fait réfléchir à ce que c’est qu’écrire aujourd’hui. Maints écrivains se penchent sur l’actualité, sur des faits divers, et tentent de « témoigner de ce qu’il y a de l’autre côté de [leur] petit monde », pour reprendre Emmanuel Carrère dans un entretien récent de Nouvelles littératures françaises. Qui ne dirait encore que « l’anecdote de la réalité » nourrit largement le cinéma et la littérature ? Et ceux-ci à leur tour élargissent cette réalité, ou la rendent opaque, lui prêtent voix et la réinventent. Songez à D’autres vies que la mienne de Carrère, ou au roman à venir de Régis Jauffret consacré à l’effroyable affaire Fritzl. Au fond, passant de l’imaginaire au réel, les artistes d’aujourd’hui témoignent qu’ils sont contemporains de leur époque, qu’ils sont marqués par des événements : ils ne peuvent ni les contourner, ni les transformer de manière radicale. Ils donnent à penser, créent du sens et influencent des perceptions. Et peut-être, à l’instar d’un point toujours fuyant, il reste malgré tout cette question : comment se servir du drame ou du bonheur de quelqu’un ou d’une époque pour faire quelque chose qui n’en est plus seulement un et qui devient du cinéma, de la littérature ?

2 commentaires:

  1. Que dire d'un film visuellement moyen, classiquement beau, et encore, ça se discute, gonflé aux dialogues qui vont à cent à l'heure, afin de nous faire croire qu'il se passe réellement quelque chose dans un univers plat comme du papier, l'action débute dans les archives d'un palais de justice espagnol, et dont la bonne moitié mériterait d'être évacuée à la relecture du script… Que dire d'un film où les bons sont d'un côté, les méchants de l'autre? L'enquête progresse, mais en passant par quelques détours et non des moindres… Une petite astuce de montage, vue trois milliards de fois dans des clips vidéo, notre homme parcourant un champ et se rapprochant de ce qui aurait dû être un point culminant, mais qui n'est qu'une petite colline, comparativement au stress/suspense généré par le thème de la séquestration entrevu dans des films tels que "Le Silence des Agneaux" ou "The Lovely Bones" qui s'investissent dans la face sombre puisque face sombre il faut traiter, celle d'un dossier et d'une machine à écrire qui tous deux ont été mis au placard, dans l'obscurité de nos mémoires. Bien évidemment, notre personnage central n'est pas Hannibal Lecter, fort heureusement, mais il n'en demeure pas moins qu'il reste d'une psychologie somme toute moyenne, si ce n'est qu'il n'ose aimer dans un monde où d'autres aiment trop, aiment mal. J'aurais aimé que ce personnage-là soit développé. Au lieu de cela, c'est un monde de paperasse qui a été developpé. Nouveau et intéressant, si on veut, voici la vue du centre, de cette face bien claire, bien dans la norme, avec un personnage central sans grand intérêt si ce n'est qu'il a peur d'aimer, je tremble, projetez tout cela dans un monde de paperasse bureaucratique, mieux connu sous le nom d'hémisphère gauche, rationnel pouvant aller à l'ennui, et vous aurez une petite idée de ce roman-photo espagnol porté à l'écran, accumulant cliché sur cliché, et je ne parle pas de ceux du crime, qu'on nous donne à renifler dès le début du film. Un petit moment inattendu, certes, c'est bien le seul, le "dérapage" dans la cabine d'ascenseur ou nos deux personnages principaux voient le tueur recharger son revolver dans la même cabine, moment savoureux, mais rustine tarantinesque. Aussi en dehors de cet académisme ponctué à tout bout de champ d'équivalents de "F**k" en espagnol, merci Quentin, je n'ai rien vu de ce que je n'ai déjà vu ailleurs. Le passage du meurtrier qui expose son engin au palais de justice reste moyen, sans réel danger. Il faut dire que le sujet percute moyennement au départ. Un ex employé de la magistrature souhaite écrire un livre sur un crime non résolu, au hasard, celui d'une femme, belle, jeune, sauvagement assassinée, vite un café, ou je vais m'endormir.

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  2. Question. Pourquoi les acteurs engagés pour jouer deux âges sont incapables de se projeter dans ce qu'ils seront, lorsque leur corps sera âgé, ridé, douloureux à mouvoir, pourquoi ne peuvent-ils pas nous faire croire qu'ils ont pris vingt ans en un heure trente de film? Et pourquoi le méchant envoie-t-il quatre tueurs pour descendre l'inspecteur, alors qu'il peut largement faire le travail tout seul? Que de rustines, comme celle de cet amoureux endeuillé qui tire quatre balles dans un coffre de voiture? Sans ces rustines qui n'apportent rien de nouveau à la narration, j'aurais déjà quitté la salle. Bref le sapin de Noël a de belles boules, parce sans elles, il n'y aurait pas de sapin du tout. Bref c'est ficelé au mieux. Dommage qu'ici, l'homme soit aux prises avec l'homme dans une réalisation néo-classique, dont la trame ténue ne lui permette pas d'exprimer toute la sauvagerie du monde. J'espère que Juan José Campanella ne va pas en faire une série, ou la célèbre série "L'inspecteur Derrick" a des cheveux blancs à se faire. Bref ce film parle bien trop pour quelque chose de plutôt mou à l'arrivée. 8.4/10 selon imdb, c'est surnoté. Nul doute que les gens de la production ont cliqué comme des malades pour faire remonter leur note. J'aurais adoré dire que ce film est un chef-d'oeuvre mais, désolé, ça vaut beaucoup moins. Seul bienfait de ce film, et je pèse mes mots, la note écrite de cet extraordinaire blog, toute en finesse et sans laquelle je ne serais jamais sorti de ma caverne, comprenez, ma salle obscure.

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