Nul ne peut rester indifférent à la vue de cette petite femme de 82 ans à la voix frêle et émouvante qui émerge gracieusement dans un amphithéâtre à Lady Eaton College pour affirmer sa foi dans la vie et l’espoir qui lui fut salvateur pour la survie à Auschwitz en 1944, quelques mois seulement avant la Libération. Devant une salle remplie d’étudiants où le silence est lourd, signifiant, Judy Weissenberg Cohen, née à Debrecen en Hongrie en 1928, nous fait part de l’histoire troublante de sa jeunesse où elle passa quatre terribles mois dans le camp de la mort. Seul un miracle l’a protégée pour survivre : elle fut envoyée travailler « comme esclave » à l’usine d’avions Junkers près de Leipzig. Plus jamais, elle n’a revu ses parents, ses proches ; une centaine des siens sont disparus. En 1948, avec un groupe d’orphelins, Judy est envoyée au Canada.
L’histoire de Judy Cohen me paraît troublante aujourd’hui car dans sa voix j’entends la vibration de la vie qui se transmet malgré tout. Ses mots, les consonnes roulées en anglais, semblent faire passer la cruauté et l’étrangeté de ce qu’elle vécut. Pour un moment, en l’écoutant, le monde est mis en parenthèse. On est là, chacun je crois éprouve le sentiment de ne pas être seul, de partager quelque chose des forces et des faiblesses de cette femme admirable ; une communauté inavouable, inavouée, comme dirait Barthes. C’est cette sensation de présence, d’être présent à l’existence de l’autre, de l’entendre et l’accueillir, qui me paraît bouleversante.
D’autres femmes sous d’autres cieux, ont été confrontées comme Judy Cohen à des régimes totalitaires. Elles ont fait le même pari de l’espoir et l’ont gagné. Ces jours-ci, on parle avec enthousiasme d’Aung San Suu Kyi, l’opposante à la junte birmane qui a passé quinze des vingt et une dernières années en détention sous une forme ou sous une autre. Dimanche, le 14 novembre, à Rangoun, la Prix Nobel de la paix, des fleurs dans ses cheveux et un sourire serein sur le visage, fit passer un message puissant de réconciliation nationale à la foule de compatriotes portés par la joie de la retrouver finalement libre. L’effervescence des retrouvailles ne semble pas basculer, mais le message d’espoir se fraye chemin dans les cœurs, et on l’espère dans l’agenda des politiques birmans et occidentaux.
Autrement, sur un ton joyeux, la une des médias du monde est prise ce matin par la nouvelle des fiançailles officielles et du mariage prochain du Prince William de Wales avec Kate Middleton. Un message d’espoir saisit la Grande Bretagne, événement qui semble balayer au moins un peu l’air sombre du temps, la crise économique, les grèves et les soucis quotidiens. Comme le remarque un article dans le Globe and Mail, si en 1981 lors du mariage de Charles et Diana, les Britanniques ont mis leur espoir dans l’aristocratie, aujourd’hui, les choses sont renversées : Will et Kate se tournent vers le peuple et cherchent à simplifier les rituels, les garde-robes, les étiquettes. D’aucuns parlent de l’espoir d’un vrai renouvellement de la monarchie. Serait-ce simplement un effet de l’époque où nous vivons ?
Au fond, il me paraît intéressant de penser l’espoir comme quelque chose de profondément humain, un tiret entre des femmes qui vivent dans des pays différents, à des époques différentes, qui traversent des totalitarismes ou des démocraties ou sont au cœur d’une monarchie, mais qui chacune à sa manière porte un message fort et parvient à le transmettre.
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