11/09/2010

les objets, le readymade


C’est une lecture sur la Fontaine de Marcel Duchamp qui me rend attentive aux objets silencieux qui m’entourent. Le mot de readymade me fait imaginer : et si cette chaise avait une vie ? Que serait-elle ? Mais pourquoi ?
De fait, c’est ce joli petit extrait que je voudrais partager : un fragment de Sur le paysage de Rainer Maria Rilke.
Voyez que tout objet porte une vie, tout paysage une signification. Mais faut-il être enfant pour l’écouter, le remarquer ? ou artiste ?..

« … il fallait regarder le paysage comme une chose lointaine et étrangère, comme une chose perdue et sans amour, qui s’accomplit tout entière en elle-même, afin qu’il pût servir un jour de moyen et de point de départ autonome. Il fallait qu’il fût loin et très différent de nous afin de pouvoir devenir une parabole libératrice pour notre destin. Il fallait que dans son indifférence sublime il se montrât presque hostile pour pouvoir offrir à notre existence une nouvelle interprétation grâce à ses objets. Et c’est dans cet esprit qu’a pris forme cet art du paysage que Léonard de Vinci avait déjà eu le pressentiment et la maîtrise. On sait combien nous voyons mal les choses au milieu desquelles nous vivons ; il faut souvent que quelqu’un vienne de loin pour nous dire ce qui nous entoure ; il fallait donc commencer par écarter de soi les choses pour devenir capable par la suite de s’approcher d’elles de façon plus équitable et plus sereine, avec moins de familiarité et avec un recul respectueux. Car on ne commence à comprendre la nature qu’à l’instant où l’on ne la comprenait plus. Lorsqu’on sentait qu’elle était autre chose, cette réalité qui ne prend pas part, qui n’a point de sens pour nous percevoir, ce n’est qu’alors que l’on était sorti d’elle, solitaire, hors d’un monde désert. Et il fallait cela pour qu’on devînt artiste par elle ; il ne fallait plus l’éprouver en tant que sujet, dans la signification qu’elle avait pour nous, mais comme un objet, comme une grande réalité qui était là ». (Rainer Maria Rilke 1902, Sur le paysage)

Rilke revient sur le temps de l’enfance : « Si cela vous est possible, retournez avec une partie de votre sensibilité déshabituée… et retrouvez l’attachement d’enfant que vous portiez à une chose sans valeur qui vous fut plus proche, plus familière et plus nécessaire. Demandez-vous comment les choses entrent dans votre vie. Comment elles vous touchent. Comment cette chose sans valeur a préparé vos rapports avec le monde, vous a conduit dans l’événement et parmi les hommes ». (Sur le paysage)

Rainer Maria Rilke (1875-1926)
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Pas mal de croire à ces histoires… histoire de briser la monotonie ou le silence ou le bruit ; imaginer pour un soir que serait la compagnie des armoires, des tables, des tiroirs..

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