29/10/2012

un jardin au bout du monde


Pour Maria, je lis Un jardin au bout du monde de Gabrielle Roy, quatre nouvelles sur l’Ouest canadien publiées pour la première fois en 1975 ; des pages sur la vaste plaine aux horizons sans cesse changeants, la fraternité humaine, la confrontation de la solitude et d’un monde à la fois immensément ouvert et cependant impossible à habiter. On a beau savoir beaucoup sur les Prairies, la prose élégante de Gabrielle Roy donne à entendre quelque chose de plus : des images, sentiments, frémissements, tissés par les mots, et qui nous conduisent à percevoir la réalité d’un autre point de vue. L’illustration de la couverture du recueil, un détail de Fence & Barrel par Stanley Brunst – tableau qu’on peut voir à Winnipeg Art Gallery – me rappelle des souvenirs que je croyais oubliés d’un monde de campagne disparu…des traîneaux à cheval, des collines, des petites maisons en bois. Je me suis mise à lire pour voir quelle perception pouvait avoir une écrivaine née au Manitoba sur son pays natal. Expérience singulière, car j’y  découvre des êtres presque attachants, un monde isolé mais chaleureux, rempli d’humanité, des immigrants qui se battent avec le milieu hostile et parviennent éventuellement à faire une vie ; comme le Chinois exilé de Chine dans le récit « Où iras-tu Sam Lee Wong ? » :

« Avec le temps, Sam Lee Wong devait se faire à l’idée d’un village englouti dans le silence à en paraître déserté ; à de petites maisons de bois grises, moroses, où un son s’en échappait-il, aussitôt le vent s’en emparait, l’étouffait dans sa plainte perpétuelle ; il devait se faire à cette autre forme de solitude, mais pour l’instant il crut presque tout le monde parti ». (56)

Le matin, je relis ce passage. Je suis ce Chinois, sans difficulté, comme je suis le visiteur inconnu qui frappe à la porte de la famille de l’écrivaine, dans la première nouvelle « Un visiteur frappe à notre porte ».



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