24/07/2012

ru

Je lis Ru de Kim Thuy. Ses souvenirs de réfugiée vietnamienne qui arrive au Québec à 10 ans avec sa famille, appellent mes propres souvenirs, comme si son récit était un prétexte tantôt à la nostalgie, tantôt au recueillement, oscillant entre amusement et tragique, entre les fausses séparations et les retrouvailles, entre un lieu qu’on quitte et un autre qui devient le nôtre. Je lis, je m’arrête, je reprends ; je cherche à couper ses souvenirs avec les miens. Le livre m’accroche, je le finis pendant les deux heures de vol entre Ottawa et Winnipeg. Disons que le récit me plaît parce qu’il me donne envie d’écrire ; écrire pour faire de la place aux souvenirs, pour qu’ils viennent vers moi et restent inscrits. Ou encore, écrire pour faire lien avec ce qui a été, avec ceux qui ont été. Ce rappel de la transmission est intéressant chez Kim Thuy, il s'agit de « la possibilité de ce livre », comme elle dit à la fin ; la possibilité que les générations se rencontrent et ne s’oublient pas, l’écrit étant peut-être le meilleur moyen de le signifier.

« Quant à moi, il en est ainsi jusqu’à la possibilité de ce livre, jusqu’à cet instant où mes mots glissent sur vos lèvres, jusqu’à ces feuilles blanches qui tolèrent mon sillage, ou plutôt le sillage de ceux qui ont marché avant moi, pour moi. Je me suis avancée dans la trace de leur pas comme un rêve éveillé où le parfum d’une pivoine éclose n’est plus une odeur, mais un épanouissement ; où le rouge profond d’une feuille d’érable  à l’automne n’est plus une couleur, mais une grâce ; où un pays n’est plus un pays mais une berceuse.

Et aussi, où une main tendue n’est plus un geste, mais un moment d’amour, prolongé jusqu’au sommeil, jusqu’au réveil, jusqu’au quotidien ».

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« En français ru signifie « petit ruisseau » et, au figuré, « écoulement (de larmes, de sang, d’argent) » (Le Robert historique). En vietnamien, ru signifie « berceuse », « bercer ».



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