19/04/2013

un certain malaise


En attendant l’autobus pour aller au bureau de passeports renouveler mon précieux document de voyage, je pense à mon échec avec A. Cette histoire n’a pas fini de me déprimer. Et pourtant, il ne s’agit même pas d’une peine d’amour. Alors, qu’est-ce que c’est ? Une chose est sûre, je ne suis pas fière de moi. Je dirais même que la honte est à ma porte et qu’elle est prête à frapper fort et pour longtemps.

L’expérience commune peut être ici un guide précieux : la honte qui devient douleur « s’éveille » (et parfois réveille), passe du léger à l’aigu, de l’aigu au sourd, irradie de la périphérie vers le centre. Par vibrations et vagues successives, elle occupe progressivement tout le terrain de mon corps et de mon cœur jusqu’à les bouleverser en profondeur et à en révéler une inconnue. J’ai de la honte, je suis douleur. Cette douleur ne peut que se crier, mais le cri ne l’apaise en rien. Elle finit par retomber un peu plus loin dans le silence. Ou au mieux, dans une alternance de cri et de silence.

Un des écrivains contemporains assez lu les dernières années, surtout après son prix Nobel de littérature en 2008, JMG Le Clézio, a admirablement rendu cette invasion de la douleur dans une nouvelle intitulée Le jour où Beaumont fit connaissance avec sa douleur (sa, non la). Dans le récit, on voit comment une simple rage de dents nocturne entraîne l’homme qui souffre à partir de l’épreuve de la solitude jusqu’à une certaine dépersonnalisation : le « corps étranger » s’infiltre dans le « corps propre » au point de le rendre à son tour étranger, en passant par la persécution. Le narrateur avoue : « J’ai l’impression qu’il y a des gens. Ils vont me tuer. Ils sont entrés et rôdent partout »… Troublant fantastique sensoriel où la rassurante frontière entre le physique et le psychique vient de se briser.

Paradoxalement, ce personnage du récit de Le Clézio, qui fait « connaissance avec sa douleur » par des maux dentaires, finit par s’y attacher. Il colle à sa douleur, c'est une nécessité : « J’ai besoin de ma douleur, maintenant je ne suis plus rien que par elle ».

On me dira : c’est clair, complaisance, travail de deuil bloqué, peur de se déplacer ailleurs… Pourtant, il me semble que c’est plus complexe. Chacun verra pour soi. 

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