05/09/2011

5 septembre

La vie humaine est si bizarre. Comment peut-elle paraître bizarre quand elle est la seule qu’on connaît ? Ce n’est pas comme si on pouvait se comparer à une autre espèce plus rationnelle, dont les comportements seraient entièrement rationnels, et pour qui l’amour voudrait dire l’amour, la mort la mort, le bonheur le bonheur… sans ambiguïté, tandis que nous autres créatures sonnées, nous ne pouvons pas nous empêcher d’imaginer des scénarios mesquins, de faire mal à ceux qu’on aime.

C’est un peu à ces choses-là que je pensais hier lorsque je marchais dans les différentes salles du Musée des Beaux-Arts à Winnipeg, qui contient une des plus grandes collections d’art autochtone du Canada. Et là, à voir ces statues immenses de femmes métisses ou indigènes, grandes, imposantes avec des traits saillants et un regard sévère, portant leurs bébés sur le dos, dans des parkas en fourrures, je me suis dit que ces êtres sont d’une espèce particulière. Ces femmes représentées ici me fascinaient et me faisaient peur à la fois. Pourquoi ? Parce que je me retrouvais en face d’un autre monde ; moi, j’étais autre, étrangère ; petite, devant ces silhouettes intimidantes. En sortant du musée, je risquais de croiser dans la rue des descendantes de ces femmes-là, les indigènes robustes et saisissantes.

Mais qu’est-ce que vous racontez ? Vous n’avez pas peur, non ?!
Allez, changez de sujet..

Je raconte, je me raconte des bribes d’histoires imaginées sur un monde dont je n’avais pas vraiment idée, enfermée que j’étais dans la « moderne » ville de Toronto ; dans un quartier assez ancien, victorien, mais où on n’apercevait des indigènes qu’ici ou là au coin de Spadina Avenue et Bloor. Il y a une semaine encore, je n’aurais imaginé qu’un Canada profond existe ; et qu’on en a des preuves à Winnipeg. Sur une des grandes avenues du centre, vous croisez des indigènes au feu rouge. Ils sont là ou ils marchent ; ils vous regardent et continuent. Vous croise alors l’idée que quelque chose de mal pourrait vous arriver. Mais n’allons pas jusque là.

En six jours, il est impossible de se faire une impression objective sur une ville. Où est la pression ? Observons aussi ce qui est beau, séduisant, ici. Très vite, à Winnipeg, j’ai observé la lumière : le grand ciel ouvert à perte de vue des prairies canadiennes. Et c’est plaisant, presque envoûtant. C’est cette sensation que les journées s’étendent, sont lisses, et pleines d’espoir. Du moins, c’est l’image positive que je m’en fais.

Puis, cette ville est fascinante par son architecture massive : des bâtiments solides en pierre, posés depuis plus de deux siècles sur cette terre qui au XIXe siècle et jusqu’aux années 1920, était un des endroits les plus prolifiques du Canada. Pourtant, des événements comme la Première Guerre, la Dépression, la grande inondation de 1950, ont fait que Winnipeg a perdu sa place de relais économique important entre l’Ouest et l’Est canadien.

Mais ce n’est pas tout perdu. Aujourd’hui, la ville – je le lis ; on me le dit aussi – retrouve sa vivacité du début du XXe siècle. Le centre-ville s’améliore, l’Université de Winnipeg ouvre de nouveaux centres de recherche… Il y a beaucoup de musique en cette ville : des festivals, du jazz, des concerts classiques. Puis, le Ballet de Winnipeg, le plus ancien du Canada ; les compagnies de théâtre en anglais et en français ; le Osborne Village, on dit le quartier le plus habité, plein de restaurants, de cinémas etc… Et quoi encore ? Saint-Boniface, la ville francophone, de l’autre côté de la Rivière Rouge.


Bientôt, dix jours depuis que je suis ici : beaucoup ou peu ? D’après Stella, c’est très peu. « Tu n’as rien vu ». Mais pour le moment, il me semble que j’ai vu assez d’endroits, de gens et de soleil pour que ma tête tourne de pensées et se retourne sur des clichés, sur des nouveautés… Je fais beaucoup de rêves. Combien peut-on « rêver » d’une journée ? 

ciel à Winnipeg, Portage avenue

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