01/09/2011

le Témoin

Comment vivre sans Témoin ?

Non seulement les quelques amies au lycée, à l’université, pour ne rien dire des hommes dont j’ai été amoureuse, mes amis hommes et femmes, chacun de ces êtres tour à tour a été mon Témoin, comme j’ai été le leur... Les conversations cœur à cœur, les secrets partagés, recommençant encore une fois, se fiant, se méfiant avec la même innocence, la même sottise parfois : voici ce qui s’est passé, ma sœur a fait ci, mon compagnon a fait ça, sois l’être qui me connaîtra, qui m’acceptera telle que je suis et je ferai de même pour toi…

Mais il y avait toujours chez l’autre, une petite chose, un défaut minime, une faiblesse, une tache aveugle, qui le disqualifiait pour le statut de Témoin absolu. Oui, j’éprouvais toujours une légère réserve ou réticence. Ah ! la complexité insondable des interactions humaines, chacun de nous se baladant avec ses petits critères selon lesquels on juge les autres, tout en s’efforçant de répondre à leurs critères à eux, mais discrètement, en faisant semblant de n’être que soi-même et de n’avoir besoin de l’approbation de personne…

Ce qu’on voudrait au fond, c’est un deuxième soi.
Seul un autre « je », se tenant à distance respectueuse et observatrice du premier, aurait la bienveillance et l’empathie nécessaires pour jouer le rôle du Témoin…

Et qu’est-ce qu’on fait si on atterrit dans une ville complètement nouvelle ? Pas de Témoin sur place, pas de connaissances ni d’amis, seule clignote bienveillante la voix intérieure. Par ailleurs, presque tous que j’ai considérés à un moment donné comme des Témoins ont disparu. Ma bonne amie a déménagé ; une autre tout en restant à Toronto s’est éloignée ; d’autres encore sont morts. Certes, des êtres sympathiques continuent de peupler mes journées et mes nuits : mais je ne peux pas recommencer. C’est terminé. Je suis trop lasse pour croire aux histoires des autres. Trop lasse pour leur raconter la mienne une fois de plus. Elle est devenue trop longue ; un puzzle fou de sentiments. Je préfère mentir, m’inventer une nouvelle identité pour chaque nouvel être qui croise ma vie, comme je le fais pour chaque page ici. Ou alors presque rien dire. Tester le silence avec des inconnus. 

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