25/09/2011

thin air

Je me souviens de ma perplexité lorsqu’on nous disait à l’école qu’un texte réussi exige un début, un milieu et une fin. Quelles autres options étaient disponibles ? Aujourd’hui, je suis plus consciente du caractère arbitraire d’un tel conseil. Après tout, les histoires peuvent commencer au milieu, elles ne s’arrêtent pas réellement lorsqu’elles se terminent, et d’une certaine manière, tout est au milieu – dès le moment où on traverse le seuil, les fantômes des histoires antérieures apparaissent et chaque fin laisse quelques fils narratifs en suspension dans l’air.

C’est un peu cette impression que j’ai eue ces jours-ci lors du festival des écrivains à Winnipeg, qui depuis 15 ans ce septembre, s’appelle joliment thin air : appel d’air, souffle léger, espace ouvert… à des pensées, et où je suis tombée en plein milieu ; mais au fond, j’étais là pour la première fois. Ainsi, j’ai fait l'expérience assez singulière d’entendre des écrivains du Manitoba parler de leurs voyages pour découvrir le Canada, et des années plus tard, à force d’avoir suffisamment voyagé, pouvoir rentrer pour reconnaître Winnipeg comme un chez soi. Comment ne pas penser à ce que moi, j'ai du mal à intégrer : partir pour revenir ; revenir et reconnaître un lieu comme ayant quelque chose de familier, de lointain ou de natal ?

Sur une autre scène, Dany Laferrière parlait de son dernier roman, Le retour, traduit aussi en anglais. Et lui posait cette autre question saillante : que peut l’écriture pour un pays natal, le Haïti, dévasté ? Les mots pourraient-ils réparer, entre autres, quelque chose d’une enfance qu’on a passée sur cette terre, et qui se trouve aujourd’hui atteinte, brisée ? Toutes ces idées flottant dans l’air cette belle journée d’automne, idées qu’on voulaient ailées et vaporeuses, donnaient à penser à des sujets sérieux : départ, retour, immigration, exil, langue maternelle… Pour un public mélangé, qui pour la plupart vit dans des entre-deux, ces sujets avaient l'air de toucher en profondeur.

Finalement, je mets des mots ici pour retenir quelque chose d'une journée qui m’a fait croire qu’un livre a la force magique de nous faire disparaître (pour une heure ou deux) dans le thin air. C'est ce mouvement vers la lumière qui m'est resté ; que je salue. 

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