24/11/2011

le réveil

Lorsque je me suis réveillée, je n’ai pas immédiatement regardé le réveil. Je n’ai pas ouvert les yeux. Même la fenêtre fermée, j’ai entendu une ambulance qui s’éloignait vers le bout de la rue. Puis, tandis qu’elle était au bout de la rue, une autre ambulance ou le camion de pompiers s’approchait de ma maison. Tandis que la sirène de la première voiture s’éloignait, celle de la deuxième se rapprochait jusqu’au moment où elle était devant ma fenêtre et où, dans la rue vide, car à cette heure-là c'était désert, elle se détacha avec une intense sonorité.

J’ai compris alors que le matin était arrivé et que déjà, des gens partaient pour leur travail.

Le réveil a sonné six coups. J’ai ouvert les yeux. Il faisait une lumière gris pâle. Comme je suis nouvelle dans le quartier, je ne sais pas de quel côté le soleil se lève, mais ça doit être de l’autre côté du Collège Brown. A travers les fondations de ciment, il sortait de la lumière. C’était ni une couleur, ni du jour, c’était de la lumière qui s’étirait avec chaque minute qui passait. On aurait pu dire qu’elle était grise à travers les piliers gris de ciment armé. Tout le reste était dans l’ombre et même moi, j’étais dans l’ombre épaisse du fond de ma chambre, et je voyais le Collège Brown qui se détachait au loin, comme un écran. Je ne pouvais pas me rendormir, ni tenir les yeux fermés. Je regardais ce bâtiment d’une étonnante laideur, et tout en regardant, j’écoutais. Une voiture après l’autre dans la rue. Les voitures qui s’arrêtaient et repartaient martelaient le silence. Elles l’occupaient intégralement, elles occupaient intégralement l’espace sonore qui va de la Rue Portage jusqu’à l'Avenue Memorial. J’ai aussi entendu un bruit clair comme un renversement d’eau. C’était une bouteille qui se vidait. Il pleuvait. Pas une pluie forte, mais une pluie régulière qui commençait à prendre. J’ai pensé que les gens dans la rue marchaient sous la pluie. J’ai soulevé la tête sur l’oreiller pour regarder par la fenêtre. De cette manière, je pouvais entendre la pluie. C'était un très léger bruissement mou, plein. Bruissement, ce mot m'a rappelé le texte de Barthes : "Le bruissement de la langue"... et Proust, "Longtemps, je me suis couché de bonne heure". En même temps que j'écoutais, je regardais : c'était un bruissement mou plein de la lumière grise. Des voitures passaient toujours. 

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