04/11/2011

ce qu'aimer veut dire

« En vérité, la proximité la plus grande que j'ai eue fut avec Michel Foucault et mon père n'y était pour rien. Je l'ai connu six ans durant, jusqu'à sa mort, intensément, et j'ai vécu une petite année dans son appartement. Je vois aujourd'hui cette période comme celle qui a changé ma vie, l'embranchement par lequel j'ai quitté un destin qui m'amenait dans le précipice. Je suis reconnaissant dans le vague à Michel, je ne sais pas exactement de quoi, d'une vie meilleure. La reconnaissance est un sentiment trop doux à porter : il faut s'en débarrasser et un livre est le seul moyen honorable, le seul compromettant. Quelle que soit la valeur particulière de plusieurs protagonistes de mon histoire, c'est la même chose pour chacun dans toute civilisation : l'amour qu'un père fait peser sur son fils, le fils doit attendre que quelqu'un ait le pouvoir de le lui montrer autrement pour qu'il puisse enfin saisir en quoi il consistait. Il faut du temps pour comprendre ce qu'aimer veut dire ».

Ainsi écrit Mathieu Lindon dans le livre Ce qu’aimer veut dire (P.O.L). Que l’écrivain journaliste soit le fils d’un père connu et l’ami d’un penseur encore plus connu, et qu’il écrive une sorte de déclaration d’amour envers les deux hommes, cela nous surprend peut-être : depuis la Seconde Guerre mondiale au moins, la pensée française est assez souvent imprégnée par le manque d’enfantement : de Sartre et de Beauvoir à Barthes, Foucault, Althusser, ces maîtres à penser ont pensé mais n’ont pas procréé. Pas d’enfants qui disent leur reconnaissance envers des pères ou des êtres qui ont changé leurs vies, qui ont marqué leurs existences. C’est peut-être la raison pour laquelle entendre ce fils, Mathieu Lindon, parler du père, et de ce qui lui a été transmis du père et de l’ami du père, Michel Foucault, me semble assez extraordinaire. Ce fils était né dans cette famille-là, il était là, on pourrait dire « par hasard », il croisait ces gens-là, célèbres et intimidants : Deleuze, Bourdieu, Foucault, qui passaient dîner dans leur maison. C’était ainsi. Plus tard, quand il écrit le livre, ce fils reconnaît qu’il y a quelque chose de merveilleux qui se transmet aussi malgré les êtres : l’amour. Et il faut du temps pour comprendre cet amour qui change une vie pour toujours. Aussi simple que cela peut sonner quand c’est écrit à la fin d’un livre, c’est pourtant complexe et difficile à cerner quand il s’agit vraiment de l’écrire. Comment trouver le mot juste pour dire une intimité sans trop de retenue et sans tomber dans l’impudeur ?

Dans la vidéo, Mathieu Lindon explique comment cette aventure de l’écriture est arrivée pour lui.



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